Avec le digital, le manager redevient capital

Octave A la Une, Leadership

Avec le digital, le manager redevient capital


Avec le digital, le manager redevient capital

 

La révolution digitale n’est pas seulement une mutation technologique, c’est aussi un chamboulement des mentalités. Une transformation culturelle qui bouscule les pratiques managériales.

La fin du taylorisme managériale

Pendant longtemps la maîtrise de l’information a été essentielle à la pratique managériale. En savoir plus que les autres et avant les autres, permettait aux managers de garder un coup d’avance. Leur valeur ajoutée provenait en grande partie de la maîtrise d’une expertise reconnue qui leur assurait une légitimité hiérarchique auprès de leurs équipiers. Leur pouvoir était statutaire, fondé sur le TTB2. La troupe sur laquelle le manager avait autorité, le territoire sur lequel sa souveraineté était clairement établie, le budget qu’il gérait et enfin la taille de son bureau.

Les entreprises attendaient de leurs managers qu’ils soient principalement des sachants. Leur fonction première était de faire respecter des standards et d’assurer les reportings dans un alignement stratégique discipliné. Une équation managériale ou la maîtrise et le contrôle étaient prépondérants.

Cette époque est révolue. Aujourd’hui, l’information n’a de valeur que si on la partage, l’autorité est contingente à une capacité d’inspiration et d’entrainement et l’expertise n’est utile que si elle est mise au service d’une intelligence collective.

Pourquoi ?

Parce qu’avec l’avènement d’un monde numérique, les entreprises sont confrontées à la dématérialisation grandissante de leur business et à la désintermédiation de leurs relations commerciales avec pour corolaire des ruptures profondes :

  • Le client est devenu un actif volage et justicier rendant les marchés de plus en plus imprévisibles.
  • Il exige, pour satisfaire sa boulimie de rapidité, des réponses en temps quasi réel à ses désidératas changeants.
  • Le consommateur veut en permanence de la nouveauté au point que tout ce qui ne vient pas d’être inventé est déjà vieux.

Incertitude, vitesse et innovation permanente voilà les paramètres d’une économie digitalisée. Les marqueurs d’un management 4.0, déjà bousculé par l’arrivée massive dans les entreprises des digitales natives (50 % des actifs en 2020) qui aspirent à plus de sens, de plaisir et de liberté.

Le manager 4.0 ? Un expert en « psychological safety ».

En 2016, Google a conduit le projet Aristote dont l’objectif était d’identifier les facteurs de succès d’une équipe. Le fonctionnement de 180 équipes, les plus performantes à travers le monde, a été analysé pendant plusieurs mois. La conclusion est surprenante. Le facteur de performance n°1 est « the psychological safety », c’est-à-dire le fait que les membres de l’équipe se sentent en sécurité lorsqu’ils prennent des risques et ne se sentent pas vulnérables face aux autres.

Pourtant, au cœur des transformations digitales, les équipes sont confrontées à des situations incertaines, complexes et insécurisantes.  Comment insuffler du « psychological safety » pour entretenir leur agilité et leur inventivité ?

De la maîtrise au lâcher prise

D’abord il est indispensable pour le manager de « sécuriser » la prise de risque et pour cela d’activer des ressorts émotionnels positifs qui contrebalancent les affects négatifs comme la peur de se tromper, de ne pas être à la hauteur, d’être jugé. Si cette peur reste l’émotion dominante dans l’équipe, alors apprendre, entreprendre et oser, susciteront toujours autant de réticences. Le manager doit être un générateur de « confiance en soi » en faisant de l’échec non pas un motif de sanction mais une source d’inspiration.

De l’expérience à l’expérimentation

Après le primat de l’expérience voici venu le temps de l’expérimentation offrant à tous les curieux et les explorateurs une place de choix dans les équipes. C’est ce que nous enseigne l’approche « test and learn », fondement de la culture start-up. Bien plus qu’une méthode, c’est un changement radical de perspective : ne pas envisager le pire mais imaginer le meilleur en transformant la peur de l’échec par le plaisir de l’essai. Une trilogie Essaie-apprentissage-progrès que doit promouvoir le manager pour inciter à l’action.

De la connexion à la relation

Le dogme de l’urgence que porte en lui le digital nous fait croire que, pour gagner du temps dans nos échanges professionnels, il est plus efficace de « mailer » que de converser. Cela nous conduit trop souvent à jeter à la figure de nos voisins de bureaux des injonctions électroniques plutôt que de traverser le couloir pour leur parler.

La valeur ajoutée du manager est de redonner ses lettres de noblesse à la relation et du temps à l’échange pour trouver des solutions ensemble. Le collaboratif ne consiste pas à faire des réunions assis sur des poufs multicolores et à les appeler « co-working » mais à créer les conditions de la coopération. Le manager, en laissant s’exprimer librement les inquiétudes pour les apaiser, les désaccords pour les aplanir et les idées pour les conjuguer, devient alors un fabricant d’intelligence collective.

Olivier Bas est vice-Président d’Havas Paris, enseignant à Paris III et conférencier. Il a accompagné près de 200 entreprises et leurs Dirigeants dans leur transformation, notamment digitale. Il est l’auteur de « #liketonjob , comment vivre avec bonheur la transformation digitale » (Dunod 2018) et de « L’envie, une stratégie » (Dunod 2015).

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