C’est quoi le management participatif ?
C’est quoi le management participatif ?
Comme Jourdain faisant de la prose sans le savoir, vous pratiquez peut-être plus ou moins le management participatif de façon intuitive. Cette approche fondée sur les principes de l’intelligence collective est réputée pour ses effets positifs sur la qualité de vie au travail et l’efficacité des équipes. Et si vous mettiez en place le management participatif de façon méthodique ?
Un anti-taylorisme
Le management participatif doit ses origines au constat que l’organisation scientifique du travail (taylorisme) atteint ses limites. En effet, cette approche datant du XIXè siècle qui positionne le travailleur en « outil de production » à l’équivalent de la machine ou de la ressource (matière première, carburant…) échoue à produire durablement de l’efficacité opérationnelle en même temps qu’elle est source de dégâts sociaux.
Il faut se rendre à l’évidence, le travailleur n’est pas une ressource mais un sujet psycho-affectif dont les besoins doivent être satisfaits et la motivation entretenue. C’est un peu l’acte de naissance du manager qui succède au contremaître, de l’encadrement qui remplace le contrôle et de l’organisation humaniste du travail qui supplante la coordination des tâches.
L’anti-paresse
Cette nouvelle façon de voir le travail remet en cause le préconçu selon lequel « la flânerie ouvrière » et la paresse sociale seraient des tendances naturelles hors système de contrainte. Jusqu’ici, on croyait effectivement que si l’on n’astreignait pas les individus à travailler (par la carotte et/ou le bâton), ceux-ci préfèreraient ne rien faire !
Les premières théories du management moderne postulent tout autre chose : les individus auraient par défaut intérêt à travailler, auraient le souci du travail bien fait et le désir de participer à l’effort collectif. Ils sont mus par des fonctions intrinsèques (valeurs associées au travail, sociabilité professionnelle, identité et fierté de métier etc.) largement autant si ce n’est plus que par les fonctions extrinsèques que sont la rémunération ou le risque de sanction.
Ce qui détournerait les salariés de cette anti-paresse essentielle, ce sont des conditions de travail démobilisantes, une organisation faiblement engageante et un management infantilisant, propre à stériliser leur sentiment de responsabilité. Autrement dit, si l’on veut révéler l’être d’effort en chacun, il faut miser sur la qualité de vie au travail, la lisibilité organisationnelle et le management de qualité.
La collaboration manager-travailleur
Le manager est pivot dans cette nouvelle approche de l’effort au travail. Mais attention, dit le psychologue et professeur de management des années 1960 Douglas McGregor, même le meilleur des managers ne stimule pas l’excellence de ses collaborateurs s’il s’en tient à offrir de bonnes conditions de travail dans le contexte d’une culture d’entreprise engageante. Ce qui fait vraiment la différence, ce n’est pas la qualité du manager mais la qualité de la relation entre manager et collaborateur.
Cette relation donne les résultats les plus probants quand elle est de nature collaborative. Cela signifie que manager et collaborateurs entretiennent un rapport réciproque de confiance intégrative : ils se connaissent des intérêts parfois différents mais toujours compatibles. Concrètement, le manager peut poursuivre l’objectif d’augmenter la productivité des collaborateurs et les collaborateurs ont d’abord à cœur de réaliser un travail de qualité, ne supportant donc pas que la pression temporelle les conduise à rogner leur niveau d’exigence. Dans cette situation, le manager doit actionner d’autres leviers d’augmentation de la productivité que l’accélération des cadences. Pour cela, il ne peut que lui être recommandé de faire participer les collaborateurs en partageant avec eux son objectif afin de mettre en discussion les conditions de son atteinte.
L’espace de dialogue
La concertation est au cœur du management participatif. Il y faut un espace de dialogue garantissant les conditions de la sécurité psychologique, en particulier en termes d’inclusion et de lutte contre l’autocensure. En effet, les salariés mobilisés pour co-construire la réponse à un problème (augmenter la productivité, améliorer la satisfaction client, renforcer la position de l’entreprise face à la concurrence etc.) doivent pouvoir s’exprimer librement, sans craindre non seulement les conséquences négatives de leur prise de parole (avis aux managers orgueilleux qui supportent mal la contradiction et aux ultra-affectifs que l’on craint de peiner en parlant vrai) mais aussi les effets de contrôle social (Pour qui vais-je passer si je dis un truc idiot ?).
Il leur faut aussi pouvoir participer à la prise de décision, pas nécessairement en tranchant en dernier lieu comme ce serait le cas dans une organisation démocratique où la majorité emporte le morceau, mais en sentant que leur contribution a été prise en compte dans le process d’élaboration du choix définitif d’une option. Cela signifie que les avis et points de vue sont reconnus comme utiles dans le processus (par exemple, un salarié qui s’oppose à une proposition n’est pas considéré comme un empêcheur de tourner en rond mais comme une personne dont l’avis permet de nuancer la proposition ou d’en réaménager les termes d’application) comme dans la mise en œuvre (par exemple, un salarié qui évoque les risques à prévoir dans l’application d’une décision n’est pas vu comme une Cassandre rabat-joie mais comme une vigie qui saura détecter les effets de bord et participer activement à l’amélioration continue).
Régulation des conflits et tensions
Pour que ce process de concertation soit possible, il faut évidemment veiller à ne pas braquer les individus qui pourraient alors se détourner de l’objectif de réponse à un problème commun pour défendre leur identité. Par exemple, une personne vexée qu’on n’ait pas retenu ses idées pourrait entrer en opposition identitaire à la décision prise, vivant toute manifestation de sa mise en œuvre comme un rappel au désaveu. Il est donc important que cette personne puisse bénéficier de la reconnaissance pour le partage de ses idées et leur utilité dans l’élaboration de la décision afin qu’elle puisse considérer que c’est aussi en partie « sa » décision.
Mais il faut aussi s’assurer que le processus de décision ne soit pas parasité par des tensions extérieures à la problématique posée. Par exemple, une personne en conflit avec un collègue pourrait faire de l’espace de dialogue un lieu de bagarre interpersonnelle où ce n’est pas tant la construction de la solution partageable qui importe que le souhait de faire triompher sa vision sur celle d’un autre. Aussi, en management participatif, le leadership est tout particulièrement attendu sur l’écoute des signaux faibles de tensions relationnelles et sur la régulation des conflits.
Les qualités du manager participatif
Généralement, leaders et managers sont a priori d’accord sur les principes du management participatif. Mais dans le détail, la méthode peut faire un peu peur. On la soupçonne notamment d’être chronophage, avec son process patient d’écoute et de concertation.
En réalité, plus qu’elle ne demande du temps, elle est très exigeante à l’endroit du leadership : elle demande du courage (en particulier celui de supporter authentiquement la contradiction), de grandes capacités d’attention et de réceptivité aux signaux faibles, d’excellentes qualités d’animation (pour qu’espace de dialogue ne rime pas avec grand foutoir écrasé de brouhaha), un sens aigu de l’équité (afin de faire émerger les contributions des individus même les plus réservés ou bien ceux qui se sentent moins légitimes), une forme d’assertivité pour faire atterrir la discussion sur du concret…
Dans ces conditions, il est difficile d’attendre du management participatif qu’il soit l’œuvre d’un seul manager, isolé avec sa bonne volonté. Cela suppose avant tout une culture d’entreprise globale et probablement une approche collégiale du management.
Marie Donzel, pour le webmagazine Octave
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