Covid 19 et innovation manageriale
Covid 19 et innovation manageriale
Francis Boyer pour le webmagazine Octave
Si cette crise a éveillé les consciences et amené beaucoup d’entreprises à éprouver leurs pratiques managériales, le choc n’a pas été suffisamment « violent » pour les contraindre à en changer.
Cependant elle représente une réelle opportunité, pour celles qui le souhaitent, de s’engager dans des projets de réforme de certaines pratiques et postures managériales.
Ce qu’a révélé le confinement
Le travail à distance contraint et généralisé a permis de révéler 3 points majeurs :
- L’importance du « capital humain ».Sans l’engagement des collaborateurs, les entreprises n’auraient pas pu traverser cette crise dans d’aussi bonnes conditions.
- Les bénéfices de la responsabilisation. Contraints par la distanciation sociale, de nombreux managers, autrefois réticents au télétravail, se sont aperçus de ses bienfaits les amenant à passer d’une logique de « respect de la règle » à « l’atteinte des résultats ».
- L’importance du rôle du manager. Confinés chez eux, inquiets, les collaborateurs se sont naturellement tournés vers leurs managers pour se rassurer. Ces derniers ont dû, en un temps record et sans y être préparés, endosser de nouveaux rôles : prendre soin d’eux, les soutenir, s’adapter aux conditions de travail de chacun, résoudre des problèmes inédits et préserver le lien avec l’entreprise.
Pourquoi la crise du coronavirus va accélérer la transformation du management
Si cette crise a eu des conséquences variables sur nos entreprises, elle démontre l’inadaptation du management traditionnel à un environnement de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu (V.U.C.A.). De ce fait, les entreprises ont tout intérêt à adopter de nouvelles formes de collaboration afin de mieux :
1 – Préserver et renforcer la confiance
Les inquiétudes des collaborateurs sur l’évolution de la situation et leur avenir ont amené les managers à se montrer plus proches et rassurants. Pour préserver la confiance, les entreprises doivent notamment renforcer le lien social et se montrer plus authentiques et transparentes.
A ce titre, elles peuvent s’inspirer d’une pratique en vigueur chez « Airbnb », intitulée « Questions/Réponses du fondateur ». Chaque semaine, Brian Chesky, répond pendant une heure, en format vidéo et en direct, aux questions posées par les collaborateurs sur la vie de l’entreprise. Les questions sont archivées sur une plateforme interne et accessibles à tout moment.
2 – Renforcer la responsabilité et l’autonomie
Incapables « d’observer » l’exécution du travail, beaucoup de managers ont été contraints de lâcher prise et d’offrir plus de liberté sur l’organisation du travail. Cette autonomisation a permis de rendre les collaborateurs davantage auteurs de leur épanouissement et de leur performance.
Elles peuvent prendre exemple sur une pratique en vigueur chez Thales Helicopters Avionics où les collaborateurs peuvent prendre librement une décision sans validation hiérarchique, à condition d’avoir sollicité et obtenu l’accord des acteurs concernés.
3 – Veiller au maintien de l’épanouissement et de l’engagement
Face à l’anxiété de certains collaborateurs, les managers ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à veiller tant que possible à leur bien-être et préserver leur engagement. Cependant, compte tenu de la diversité des réactions et des situations individuelles, beaucoup d’entreprises ont adapté leurs approches : plutôt que de proposer des solutions d’ensemble, les managers se sont adaptés à chaque situation de manière à pouvoir agir au bon moment et de façon appropriée.
La Française des Jeux a instauré un dispositif qui permet aux salariés qui le souhaitent de déclarer, via une application digitale et à tout moment, une satisfaction ou une insatisfaction, ce qui permet à l’entreprise d’avoir l’information en temps réel et d’agir de manière adaptée.
4 – Entretenir la collaboration
L’isolement a mis en évidence l’importance du collaboratif. Afin d’éviter que cette situation altère la dynamique de groupe et l’entraide, certaines entreprises ont adopté de nouveaux dispositifs.
Chez ITM-LAI de la Région Ouest les managers organisent un point d’équipe périodique rapide pendant lequel les collaborateurs peuvent exprimer librement ce qu’ils ont vécu, une satisfaction, une difficulté ou une demande d’aide et de soutien de leurs collègues ou de la hiérarchie par le biais d’une carte intitulée « Win ».
5 – Développer l’agilité
La complexité de la situation et les impacts de cette crise sur certains métiers ont incité les entreprises à s’émanciper de leurs organigrammes. Afin d’éviter le chômage technique autant que possible, des salariés ont endossés de nouveaux rôles, assumés des missions temporaires.
Plutôt que de mettre tous ses salariés en chômage partiel, Assistalliance, société d’aide à la personne, a demandé à ses commerciaux, privés d’activité, d’assumer le rôle de « Community manager » pour maintenir le lien avec ses clients.
6 – Booster la créativité
A situation nouvelle, nouvelles idées. Si la crise Covid-19 a des conséquences dramatiques, c’est aussi, pour certaines entreprises, une opportunité de se réinventer.
Imaginer de nouvelles idées ne signifie pas qu’elles seront toutes couronnées de succès et cela ne doit pas altérer l’enthousiasme pour autant. C’est pour cette raison que, chez Blablacar, tous les échecs sont révélés via un dispositif « Fail, Learn and Succeed » qui consiste à présenter ouvertement un échec et son enseignement de manière à ce que tout le monde puisse en bénéficier.
Après avoir exercé pendant 20 ans des responsabilités de management des ressources humaines dans différentes entreprises, Francis Boyer a fondé en 2009 la société Dynesens et s’est spécialisé en innovation managériale. Conférencier, consultant, formateur et auteur de deux ouvrages, il accompagne les organisations dans leurs projets de transformation de leur management.
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