Y a-t-il une ou plusieurs “génération(s) Z” ? 

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Y a-t-il une ou plusieurs “génération(s) Z” ? 


Y a-t-il une ou plusieurs “génération(s) Z” ? 

 

La génération Z est souvent désignée comme étant en rupture avec les autres générations dans son rapport au monde. Mais qu’en est-il de la génération Z en elle-même? Est-elle un bloc uni ou bien est-elle plus traversée qu’on le pense par des tensions intragénérationnelles?  

 

Génération Z – mais ça vient d’où? 

En 1928, le sociologue Karl Mannheim définit une génération comme une communauté formée par une vision commune du monde qui découle d’un vécu partagé d’évènements et expériences marquantes: la «Génération 68» par exemple. La Génération Z (précédée de la Génération X et Y) désigne les personnes nées entre 1997 et 2012, période marquée par un développement rapide des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) ainsi que des profonds changements sociaux.   

Selon Matthias Jean, expert en influence RH, l’enfance des Gen Z se caractérise par trois nouveaux rapports au monde:   

  • un nouveau rapport au temps – à l’ère des réseaux sociaux et de la communication instantanée,   
  • Un nouveau rapport à l’espace – l’avènement d’Internet ouvre une fenêtre sur le monde au-delà du monde physique,  
  • Un nouveau rapport à l’information – celle-ci devenant accessible de manière plus directe et en masse, les jeunes remettent en cause des instances traditionnelles d’autorité et de détention du savoir (les parents, l’école, …).   

 

Plusieurs générations Z 

Quand on dit “génération Z”, on entend englober une classe d’âge qui a vécu des transformations du monde profondes et surtout très rapides. Ainsi, 5 ans de différence d’âge ont parfois leur importance dans le vécu de certains événements. C’est en partant de ce constat que Rachel Janfaza, chercheuse américaine spécialisée sur la jeunesse postule qu’il existe deux générations Z : une génération Z 1.0 (aujourd’hui âgé de 23 à 29 ans) et une génération Z 2.0 (aujourd’hui âgée de 13 à 22 ans). Selon elle, les deux groupes n’ont pas eu leur «coming of age» (passage à l’âge adulte) dans les mêmes contextes socio-économiques et politiques. Selon une étude Edelman, cela crée des visions du monde assez différentes.   

D’abord en termes de positionnement politique. La Gen Z 1.0 américaine s’est construite politiquement au moment de la présidence d’Obama et de l’émergence de mouvements sociaux importants (Black Lives Matters, Metoo, Youth For Climate). Ils sont guidés par des valeurs fortes et votent plutôt pour le parti démocrate. La Gen Z 2.0 elle, était encore au lycée ou plus jeune lors du COVID. Leurs années charnières se sont déroulées pendant les confinements successifs, dans un contexte d’instabilité politique, d’abreuvage de contenus constant et contradictoire et d’isolement social. En conséquence, ils sont plus sceptiques que leurs aînés quant aux institutions traditionnelleset ont tendance à être séduit par des figures extrêmes qui se posent en dehors du cadre établi, tel que Donald Trump.   

Ensuite, le rapport à l’éducation diffère. Les 2.0 font plus confiance aux plateformes telles que Tik Tok qu’à l’école pour leur éducation. Ils ont un rapport plus horizontal à l’information et font plus confiance à leurs pairs qu’aux institutions traditionnelles. Les plus jeunes Z ont également eu accès plus tôt à des outils d’intelligence artificielle opérationnels, qu’ils utilisent donc plus que la tranche plus âgée (72% des 1.0 utilisent l’IA toutes les semaines contre 41% des 2.0).  Les 2.0 ont aussi vu les 1.0 faire face à la réalisation difficile que les études et le diplôme ne garantissent plus un niveau de vie confortable face à un marché du travail de plus en plus saturé, une inflation grandissante et des prêts étudiants exorbitants. 77% considèrent donc que la voie des études est dépassée.  

Enfin, les deux groupes ne privilégient pas les mêmes plateformes. La Gen Z 1.0 utilisent surtout Instagram et X (anciennement twitter), des applications qui ont pour but à la base de créer des interactions entre les individus. La Gen Z 2.0 utilise d’avantage Tik Tok, ce qui fait d’elle la génération la plus consommatrice de contenu en date mais qui interagit moins avec les autres utilisateurs. Cela a des conséquences sur le rapport au collectif des deux groupes: l’un plutôt en soif en communauté, l’autre plutôt individualiste.   

 

La Génération Z, un concept marketing? 

Comme toute catégorisation, les générations ont leurs limites. Elles présentent un risque d’homogénéisation de populations diverses et de simplification de réalités complexes. Faire des sous-groupes permet une analyse plus fine mais il faut surtout comprendre que les individus, selon leur milieu socio-économique, leur appartenance ethnique et culturelle ou leur genre ne font pas du tout la même expérience des mêmes évènements.   

D’abord dans un contexte de backlash, il y a une polarisation croissante sur les questions d’égalité entre les hommes et les femmes au sein de la Gen Z. Selon une enquête Ipsos, 60% des hommes de la Gen Z considèrent qu’on en demande trop aux hommes dans la promotion de l’égalité contre 38% des femmes (22 points d’écarts). Des sondages Gallup montrent qu’il existe des écarts d’environ 30 points dans le positionnement politiques des hommes et des femmes aux Etats-Unis, en Allemagne et en Corée du Sud, des écarts qui étaient bien moindres il y a 6 ans. Enfin, La proportion d’hommes blanc de moins de 20 ans ayant voté pour Donald Trump en 2024 est bien supérieur à n’importe quelle autre tranche de la population américaine.   

De plus, la grille de lecture générationnelle a tendance à nier les contextes nationaux et culturels, prenant souvent pour référentiel les comportements et notamment des habitudes de consommation d’un jeune blanc, occidental. Or selon les cultures, ces comportements varient notamment selon le degré d’autonomisation des adolescents et jeunes adultes et leur prise en compte dans la consommation familiale. En Asie, où les relations entre parents et enfants sont plus hiérarchiques par exemple, le sujet Z est peu, voire pas pris en compte et nier cette réalité risque de fausser le positionnement des entreprises dans leur appréhension des habitudes de consommation des plus jeunes.   

 

Une meilleure connaissance de son public pour un meilleur ciblage 

Il est donc important pour les entreprises de ne pas considérer une classe d’âge comme un bloc monolithique mus par les mêmes valeurs et habitus afin d’une part de mieux comprendre les attentes des consommateurs et clients pour un meilleur ciblage marketing notamment, et d’autres part de mieux manager des individus pris dans toutes leur complexité sans faire de généralisation hâtive.  

 

Inès Cahuzac, pour le Programme Octave   

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