Qui sont les « écotafeurs » ?
Qui sont les « écotafeurs » ?
Il y a ceux, parmi les nouvelles générations (et pas que) qui désertent le monde de l’entreprise parce qu’ils se sentent désalignés entre leur travail et leur valeur. On les appelle les « bifurqueurs » quand ils décident de changer de secteur et/ou de métier ou les « déserteurs » quand ils décident carrément de quitter le monde de l’entreprise. Et il y a ceux qui décident de rester pour changer les choses de l’intérieur. Voici les écotafeurs. Qui sont ces militants intégrés ? Comment les organisations peuvent-elles tirer profit de leur bonne énergie et les managers les inclure efficacement dans les équipes ? On fait le point.
Une créature GBS
L’écotafeur est né comme concept sous la plume du sociologue Gaëtan Brisepierre, fondateur du cabinet de sociologie GBS dont les recherches « visent à éclairer et accompagner les acteurs publics comme privés sur les conditions sociales des transformations écologiques ». Pilotée par GBS en partenariat avec l’ADEME, le Collège des Directeurs du Développement Durable, Entreprises pour l’Environnement, l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises et Action for Market Transformation, l’étude ECOTAF analyse la rencontre entre la montée en puissance de la fonction RSE dans les entreprises et la mobilisation croissante des individus en tant que salariés sur les questions environnementales.
Faire bouger les lignes en interne plutôt que démissionner
Les sociologues qui ont conduit ces travaux indiquent que « chez certains salariés, on relève une forte aspiration à l’accélération de la transformation écologique de leur entreprise. Il s’agit plus souvent de jeunes cadres exigeant une cohérence entre leurs valeurs et leur travail. Ces salariés moteurs de la mobilisation écologique ont suivi un parcours en trois étapes : un déclic écologique personnel lors du confinement ou d’un voyage, une période de questionnement autour d’une démission, puis le choix de faire bouger les lignes de l’intérieur ».
Des initiatives up bottom ou bottom up
Le rapport ECOTAF identifie deux modalités d’engagement :
- La démarche procédant d’une initiative individuelle passant à l’échelle, en allant chercher l’appui de l’organisation, notamment via la direction RSE
- La démarche initiée par la direction RSE qui travaille d’une part à garantir le soutien de la direction et d’autre part à engager les salariés.
Quatre formes emblématiques de mobilisation
Les écotafeurs se répartissent sur 4 types de mobilisation :
- La plateforme. On cite Laaka qui permet aux salariés de déclarer en ligne leurs actions à impact. Les directions RSE y recourent volontiers car l’outil permet d’engager les salariés dans un dispositif qui n’est pas sans rappeler les challenges sportifs en entreprises en jouant à la fois sur la dynamique émotionnelle de l’encouragement par le reporting des efforts individuels et sur celle du challenge collectif qui n’est pas sans évoquer les défis sportifs en entreprise.
- Le réseau. A l’image des réseaux mixité en entreprises dont le rôle transformatif est largement reconnu, se constituent des communautés de salariés engagés qui vont travailler ensemble à l’approfondissement des savoirs, à la sensibilisation des publics au sein de l’entreprise et parfois au-delà et peuvent avoir des actions de lobbying interne auprès des dirigeants. Ces réseaux peuvent se fédérer à l’échelle d’un secteur d’activités ou d’une région et/ou s’inscrire dans un mouvement comme par exemple FEVE, un quasi-syndicat comme Printemps écologique ou une communauté pluridisciplinaire comme Les collectifs.
- Les ateliers. Proposés dans le cadre des réseaux ou initiés ponctuellement, des ateliers tels que la Fresque du climat, Eco-salarié·es ou Mon atelier frugal vont permettre à des salariés écotafeurs de devenir animateurs-formateurs auprès de leurs collègues.
- Les parcours tels que ceux proposés par Corporate for Change vont mobiliser des salariés en équipe sur une période de plusieurs mois, éventuellement avec une dimension intrapreneuriale. Activée par le design thinking et le co-developpement, l’intelligence collective est mise au service de la recherche de solutions !
Quelles conditions pour que ça marche ?
Les chercheurs de GBS ont identifié des conditions plus ou moins favorables à l’émergence d’écotafeurs et à l’efficacité de leur action.
Sans surprise, les entreprises qui ont des politiques avancées en matière de Qualité de vie et des conditions de travail et manifestent un intérêt poussé pour le bien-être des salariés sont les mieux à même d’offrir un terrain favorable à l’écotaf. Et d’ajouter que « les modèles de management qui cultivent l’autonomie » comme les marques qui revendiquent des « valeurs historiques d’engagement social » ont des chances plus élevées de voir émerger ces initiatives positives.
A contrario, « la mobilisation rencontre plus de difficultés dans les entreprises les plus touchées par le contexte économique inflationniste, ou celles avec une forte dispersion géographique. Les contrats précaires de certains salariés et le fort turn-over n’incitent pas à l’engagement écologique ».
Quels bénéfices ?
Les entreprises qui intègrent des écotafeurs observent des effets sensibles sur la structuration et les méthodes de travail de la fonction RSE. Cela l’encourage notamment à être plus participative, à faire usage de l’intelligence collective et à jouer la carte de la transversalité.
Les salariés écotafeurs impulsent des pratiques à moindre impact dans leur métier et auprès des équipes. Ils expriment un ressenti d’épanouissement professionnel et d’enrichissement de l’identité au travail. Ils valorisent de nouvelles compétences et regardent leur avenir professionnel avec plus de confiance que les salariés qui ne sont pas aussi engagés. Plus prompts à prendre la parole et à prendre des responsabilités dans des projets innovants, ils manifestent une certaine confiance quand il faut interpeler les dirigeants ou dialoguer avec la hiérarchie au sujet des enjeux RSE. Mais attention, cela a pour corollaire un certain niveau d’exigence : vigilants quant au risque de greenwashing, ils signifient leur frustration quand le changement de pratiques dans l’entreprise se limite à de petits écogestes.
Alors, n’hésitez pas à développer l’écotaffing pour produire du changement en profondeur !
Marie Donzel, pour le webmagazine Octave
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