Les défis de la génération Bêta
Les défis de la génération Bêta
Ils sont tout tout petits, si ce n’est pas encore né : voici les Bêtas ! Ne riez pas, c’est ainsi que l’on nomme déjà la génération qui verra le jour entre 2025 et 2039, en lui accolant la lettre grecque qui suit alpha. Qu’est-ce qui attend nos bébés ? On fait un point sur les approches prospectives des défis de la gen-B.
Des cerveaux adaptés à l’IA ?
Quand on songe aux enfants qui voient le jour après 2025, on ne peut s’empêcher de se demander ce que sera une génération pour qui l’intelligence artificielle ne serait plus un débat mais une évidence, aussi ancrée dans le quotidien que le numérique pour les Alpha, la dématérialisation pour la gen Z, l’informatique pour les Y, la télé couleur pour les X et la voiture individuelle pour les Boomers.
Derrière cette question, il n’y a pas que celle des usages et des comportements mais bien celle des transformations du rapport à l’espace, au temps, au travail. A tel point que l’on s’interroge : est-ce que leurs cerveaux fonctionneront différemment des nôtres ? La réponse est oui ! Des chercheurs du MIT ont clairement mis en évidence que l’utilisation quotidienne des outils intégrant les LLM (tels les agents conversationnels de type ChatGPT) produit une activité neuronale différente que celle des sujets n’utilisant pas ou que peu ces applications.
Il y a donc fort à parier que nos petits Bêtas penseront différemment de nous. Certains diront qu’ils penseront « moins bien », mais comme personne n’est à ce jour capable de définir scientifiquement ce qu’est « bien penser », on se contentera à ce stade de surveiller les impacts de ces évolutions cognitives sur les comportements et les rapports au monde de nos chères têtes blondes appelées à devenir les travailleurs du futur.
La fin du travail ?
Mais au fait, auront-ils encore besoin de travailler ? Tandis que les générations actuellement en emploi s’inquiètent de voir l’IA les priver de leur job, les Bêtas pourraient bien avoir acté en 2060 le renvoi d’une foule de métiers au lointain passé. Plus généralement, le travail de demain pourrait être dissocié de la production. Il n’y aurait donc quasiment plus de managers, à moins que l’on puisse considérer les « prompteurs », « entraîneurs d’IA » et autres maîtres de robots, comme tels.
Autre hypothèse, la notion de travail en elle-même pourrait disparaître derrière un floutage achevé entre le temps de l’effort et celui du loisir, le temps social et le temps privé. Avec une question restant en suspens : la place du repos là-dedans. Si les projections démographiques indiquent qu’il faudra multiplier par 2 ou 3 les lits dans les maisons de retraite en raison de la part de personnes âgées en 2070, il est difficile d’imaginer comment se reposeront les plus jeunes. Curieusement, les prospectivistes de l’habitat de demain imaginent bien ce que seront nos cuisines, nos sanitaires et nos jardins intérieurs, mais restent très discrets sur l’avenir de nos chambres ! Est-ce parce que certains futurologues prévoient que notre temps de sommeil pourrait être réduit, haché et dégradé si nous passons de plus en plus en plus de temps sur des écrans et que de surcroit le réchauffement climatique perturbe plus encore nos nuits ?
Une génération techno-sobre ?
Car c’est à craindre : la question environnementale risque d’être encore d’actualité durant tout le XXIè siècle. Ici l’ONU alerte sur le triplement de la pollution plastique d’ici 2060, là l’OCDE mise sur le doublement de l’extraction de matières premières à cette même échéance et selon les hypothèses les plus pessimistes des météorologues, un tiers de l’humanité pourrait vivre sous des températures dignes du Sahara en 2070…
A moins bien sûr que l’on parvienne d’ici-là à modifier nettement la trajectoire carbone à l’échelle de la planète.
Si nos efforts se poursuivent en ce sens, la génération Bêta pourrait grandir sous le signe de la techno-sobriété, entre généralisation de certaines réponses technologiques au changement climatique (mobilités 100% décarbonées, par exemple, que l’Europe compte atteindre d’ici 2050) et massification de certains usages low-tech. Par usage low-tech, comprendre que nos descendants auront peut-être un rapport plus frugal aux technologies, en usant moins d’une part et manifestant une préférence pour celles qui consomment moins d’énergie, prennent moins de place, demandent moins de matières premières, sont plus durables et mieux recyclables.
Un retour à l’enfance de nos grands-parents ?
Et si au lieu de devenir les individus augmentés que la science-fiction nous présente et que les prospectivistes les plus alarmistes prédisent, les Bêtas et leurs enfants réalisaient un retour à la simplicité ? L’hypothèse n’est pas si absurde qui fait dire à certains qu’ils vont vivre « comme des enfants des années 1950 ». Il n’est pas à exclure en effet que sous la pression d’une part des contraintes environnementales et d’autre part de nouveaux modèles de régulation (restrictions légales de l’accès aux écrans, aux réseaux sociaux, aux IA génératives), la nouvelle « jeune génération » soit contrainte et forcée de lâcher smartphones et tablettes, de réduire ses déplacements longue distance, de limiter sa consommation. Bref, de vivre comme ses arrière-grands-parents avant que les Trente glorieuses ne fassent croire à toute une partie du monde que la technologie, la croissance et la consommation étaient les signes ultimes du progrès.
Il est peu probable toutefois que nos bébés nés entre 2025 et 2039 finissent comme sur la photo sépia de leurs lointains aînés mais pas impossible du tout que la période comprise entre les années 1960 et les années 2020 marquée par un appétit insatiable de croissance ne soit qu’une parenthèse dans l’histoire.
Une nouvelle page de l’histoire à créer : le XXIIè siècle
La suite de l’histoire, justement, ce sont ces jeunes appelés à voir naître le XXIIè siècle qui vont l’écrire. Au programme, il y a de grandes questions dont ils devront trouver les réponses telles que : comment renouveler les institutions politiques, comment retrouver de la coopération internationale, quelle administration des biens communs à l’échelle mondiale, quelle gouvernance de l’espace extra-planétaire… ?
La génération Bêta est déjà là, incarnant concrètement ce que nous avons longtemps appelé les « générations futures ». Elle aura du pain sur la planche, une foule de défis à relever. Et si notre rôle historique à nous qui serons demain le passé, c’était de lui faciliter un peu le travail en avançant nos réflexions sur les transformations souhaitables du travail, de l’économie, de la société et bien sûr en agissant avec plus de volontarisme encore pour réduire les impacts de nos activités sur l’environnement ?
Marie Donzel, pour le webmagazine Octave
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