C’est quoi, le leadership appréciatif ?

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C’est quoi, le leadership appréciatif ?


C’est quoi, le leadership appréciatif ?  

Le leadership appréciatif, ça veut dire qu’on apprécie l’exercice du leadership ? Pas tout à fait. Mais cela n’empêche pas que vous preniez du plaisir à endosser des responsabilités et à embarquer les autres. Il se pourrait même que vous aimiez encore plus cela quand vous en saurez davantage sur cette nouvelle approche du leadership ! On vous explique.

Une approche positive et optimiste

We are sometime truly to see our life as positive, not negative, as made up of continuous willing, not of constraints and prohibition” (“Nous devons parfois vraiment considérer notre vie comme positive et non négative, comme faite de volonté permanente et non de contraintes et d’interdictions”). Cette citation de Mary Parker Follett sert d’épigraphe au long article que David L. Cooperrider and Suresh Srivastva font paraître en 1987 pour introduire la notion de « leadership appréciatif ».

C’est dire si cette approche est positive et optimiste. Pour les experts de l’innovation sociale Cooperrider et Srivastva, nos modèles organisationnels sont davantage pensés pour la résoudre des problèmes que pour conduire des projets. Ces tenants de l’approche socioconstructiviste des dynamiques estiment que notre vision du monde, de l’économie et de la société transpire la défiance vis-à-vis des autres, la frustration et la peur de manquer, l’insatisfaction, la mise en cause des défaillances et la culpabilisation… A l’arrivée, il ne faut pas trop s’étonner que nous vivions ronchons ! Et si nous considérions la vie autrement, en prenant le parti de protéger et augmenter ce qui va bien ?

Le verre à moitié plein ? Plutôt un autre regard sur l’eau !

Là, vous vous dites : c’est bon, j’ai tout compris au leadership appréciatif, il s’agit juste de regarder le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide. Pas de bol ! Ce n’est pas cela, car en raisonnant ainsi, on se contente de s’asseoir sur une partie de son besoin de « remplir » le verre. C’est une posture plaisante en apparence, mais très fragile puisqu’elle dépend du tempérament et de l’humeur de l’individu. Cela exige aussi que l’équilibre entre motifs de satisfaction et d’insatisfaction demeure stable. Or, nous le savons tous, tout cela varie constamment, qui plus est dans les périodes de changement.

Le leadership appréciatif voudrait plutôt que l’on sorte du verre, un peu comme on « sort de la boîte » pour imaginer un autre cadre de référence, d’autres façons de voir, d’autres manières d’agir. Pour filer la métaphore, on ne s’intéresserait plus tant à la quantité d’eau dans un récipient mais aux propriétés de l’eau d’une part et à la multiplicité des usages qu’en font les vivants d’autre part.

Protéger les équilibres existants

Si l’on file encore un peu la métaphore de l’eau, cela induit que l’on garde systématiquement en tête, chaque fois que l’on envisage de s’en servir (pour la consommer directement, pour s’y baigner, pour des activités industrielles, pour des activités agricoles etc.) de vérifier qui sont les autres « acteurs » qui en font aussi usage pour vivre et se développer. Cette prise de conscience doit amener à une forme de responsabilité quant à la protection de l’existant. Mais aussi de s’inspirer des façons les plus sobres, les plus efficaces, les plus respectueuses dont on en fait usage.

Ce qui vaut pour l’eau et l’ensemble des biens communs vaut aussi pour le fonctionnement des groupes sociaux, pour les initiatives locales, les projets d’équipe. Ce qui est équilibré, ce qui fonctionne, ce qui ne nuit pas doit être préservé… N’allez donc pas imposer du changement là où l’équilibre est bon, même si vous vous imaginez que vous pourriez proposer quelque chose de « meilleur » ou de plus performant. Comme le dit le pédiatre Donald Winnicott pour la parentalité (être un père/une mère suffisamment bon·ne, c’est très bien comme ça, inutile de vouloir être un parent parfait au risque de devenir un parent toxique !) ou l’anthropologue Daniel S. Milo pour les organisations (des tas de boîtes tournent bien sans avoir un fonctionnement optimal pour autant ; vouloir absolument les « rationnaliser », c’est bêtement prendre le risque de casser les dynamiques qui la faisaient bien fonctionner sans garantie qu’elle fonctionne mieux ensuite).

Une apologie du statu quo ?

Est-ce à dire que l’approche appréciative promeut le statu quo ? Que nenni ! Il n’est certainement pas question de laisser en paix les systèmes qui déraillent au seul prétexte qu’ils fonctionnent tant bien que mal. Sans quoi on pourrait se dire par exemple que les modèles productivistes ont bien le mérite de dégager du chiffre d’affaires et qu’il n’y a donc pas matière à aller les perturber. Ou bien, on pourrait estimer que les gouvernances d’entreprise principalement masculines ont jusqu’ici aptes à faire tourner l’économie et qu’il n’y a donc pas de raison de rechercher la mixité et moins encore de se poser la question des quotas.

Dans une approche appréciative, on fout la paix aux systèmes qui sont équilibrés… Et on s’en inspire pour transformer ceux qui ne le sont pas. On s’inspire donc par exemple de la gestion des ressources naturelles par les peuples autochtones pour imaginer l’avenir des économies extractivistes. On s’inspire du fonctionnement des collectifs égalitaires pour envisager l’inclusion dans les organisations. On s’inspire des méthodes des mouvements sociaux participatifs qui produisent du bien-être collectif pour penser l’engagement et la coopération. On s’intéresse aux actions des minorités actives pour travailler à la justice sociale. Bref, on ne réinvente pas la roue quand on a sous la main des exemples réalistes de modèles satisfaisants.

Créer de l’espoir ensemble !

Mais comment mettre en place cette approche dans les organisations ? En agissant en leader appréciatif ! Dans Leading positive performance: A conversation about appreciative leadership, les chercheuses Diana Whitney, Amanda Trosten-Bloom et Kae Rader proposent une définition du leadership appréciatif comme « la capacité relationnelle à mobiliser le potentiel créatif et à le transformer en pouvoir positif – pour déclencher des vagues de confiance, d’énergie, d’enthousiasme et de performance ». Concrètement, cela repose sur 5 piliers :

1/ L’apprentissage collectif. Des temps de travail collectif sont dédiés à l’expression de « ce qui va bien » permettent de mettre en évidence les meilleures pratiques dans une optique d’apprentissage par les pairs.

2/ La psychologie positive. La préservation du bien-être émotionnel des individus est une priorité pour le management qui veille à ce que les expériences positives soient valorisées, notamment par la reconnaissance. Quant aux expériences « négatives », elles doivent être traitées de façon à renforcer la confiance, à reconnaître le droit à l’erreur et à encourager la prise de risque dans des conditions optimales.

3/ L’inclusion. Parce qu’elle est au croisement du sentiment d’appartenance et du pouvoir d’agir (individuellement et collectivement) et constitue le socle de l’engagement, l’inclusion est un point de vigilance permanent dans l’approche appréciative. Le management veille à ce que chacun·e se sente considéré·e dans sa singularité (son identité, ses besoins, ses aspirations…) en même temps que pleinement associé·e à la création de valeur en commun.

4/ La créativité. En marche courante comme en situation de crise, le management doit mettre en place toutes les conditions propices à la recherche de solutions et à l’esprit d’innovation. Cela implique notamment favoriser la sérendipité en supportant la diversité des inspirations, en laissant de la place au hasard et aux aléas, en offrant de l’espace et du temps aux idées qui peuvent a priori apparaître comme « à côté » voire hors sujet.

5/ L’équilibre. Pour que les quatre précédentes étapes soient possibles, il est indispensable que les individus puissent préserver leur équilibre. Il en va pour le management d’exercer une véritable vigilance sur la charge de travail, sur le degré d’engagement, sur le respect de l’articulation des temps de vie et sur la reconnaissance des identités et des acquis extraprofessionnels.

Marie Donzel, pour les webmagazines EVE & Octave

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