Comment gérer vos (nouveaux) télétravailleurs
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Comment gérer vos (nouveaux) télétravailleurs ?
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Article tiré du site Harvard Business Review
Lorsque, comme actuellement, le passage au télétravail a été brutal, il faut veiller à accompagner au maximum les collaborateurs. Le manager a, en ce sens, un rôle crucial.
Face au danger que représente le Covid-19, de nombreuses entreprises et universités ont demandé à leurs salariés de télétravailler. Même si le télétravail est répandu dans une partie de la population, ces nouvelles directives obligent de nombreux salariés – et leurs managers – à travailler loin les uns des autres pour la première fois. Bien qu’il soit toujours préférable de définir clairement des directives de télétravail et de dispenser une formation adéquate au préalable, un tel degré de préparation n’est pas toujours possible en période de crise ou dans un contexte en évolution rapide. Il existe heureusement des mesures spécifiques, étayées par des recherches, que les managers peuvent prendre sans trop d’efforts pour améliorer le degré d’implication et la productivité des télétravailleurs, même quand ils n’ont pas eu le temps de s’y préparer.
Les fréquents écueils du télétravail
Pour commencer, les managers doivent comprendre les facteurs susceptibles de rendre le télétravail particulièrement difficile. Il arrive que des collaborateurs habituellement très performants voient leur productivité et leur motivation diminuer quand ils commencent à travailler chez eux, surtout en l’absence de préparation et de formation. Le télétravail présente en particulier les difficultés suivantes :
– Un manque de supervision en face à face : les managers, aussi bien que leurs subordonnés, appréhendent souvent le manque d’interactions en face à face. Les supérieurs hiérarchiques craignent que leurs salariés ne travaillent pas aussi dur ou aussi efficacement qu’avant (bien que des études indiquent le contraire, du moins pour certains types d’emplois). De nombreux subordonnés ont, quant à eux, du mal à s’adapter au fait de ne plus être autant soutenus par leurs supérieurs et de ne plus pouvoir aussi facilement communiquer avec eux. Dans certains cas, ils ont l’impression que leurs managers maintenant éloignés ne comprennent pas ce dont ils ont besoin et ne leur apportent donc ni l’aide ni le soutien qu’il leur faudrait.
– Un manque d’accès à l’information : les nouveaux télétravailleurs s’étonnent souvent du temps et des efforts supplémentaires nécessaires pour obtenir les informations dont ils ont besoin auprès de leurs collègues. Quand on travaille à domicile, obtenir la réponse à ce qui semble être une question simple peut parfois relever du parcours du combattant.
Ce constat ne se limite pas aux tâches à accomplir mais s’applique également aux difficultés interpersonnelles qui peuvent surgir entre « télé-collègues ». Des chercheurs ont constaté que le manque de « connaissance mutuelle » entre télétravailleurs se traduit par une moindre volonté d’accorder à ses collègues le bénéfice du doute dans des situations tendues. Par exemple, si vous savez que votre voisin de bureau a une journée extrêmement chargée, vous ne verrez dans son mail un peu brusque que la conséquence logique de son stress. En revanche, si vous recevez le même mail d’un télétravailleur, dont vous ne connaissez pas la situation actuelle, vous aurez davantage tendance à vous sentir un peu attaqué ou du moins à douter de son professionnalisme.
– Un isolement social : la solitude est l’une des plaintes les plus fréquemment exprimées au sujet du télétravail car les salariés regrettent les interactions sociales informelles qui ont lieu au bureau. On considère généralement que les personnalités extraverties ont plus de mal à s’adapter à la situation dans un premier temps, en particulier si elles n’ont pas la possibilité de converser avec d’autres personnes dans leur cadre de télétravail. Cependant, après un certain temps, l’isolement peut conduire n’importe quel collaborateur à avoir moins le sentiment « d’appartenir » à son entreprise et peut même se traduire par une volonté plus grande d’en partir.
– Des distractions au domicile : on voit souvent, pour illustrer le télétravail, des photos d’un parent qui tient un enfant sur un genou tout en tapant d’une main sur un ordinateur portable, ou assis sur le canapé ou encore, le sol de la salle à manger. Difficile de trouver pire représentation du travail à distance ! Généralement, nous encourageons les employeurs à veiller à ce que leurs télétravailleurs disposent à la fois d’un espace de travail dédié et de modalités de garde d’enfants adaptées, avant de les autoriser à travailler chez eux. Mais, en cas de passage soudain au télétravail, il est beaucoup plus probable que les salariés aient à s’accommoder d’un espace de travail qui n’a rien d’optimal et, en raison de la fermeture des écoles et des crèches, de responsabilités parentales imprévues. Même en temps normal, les contraintes familiales et domestiques peuvent empiéter sur le télétravail ; les managers doivent donc s’attendre à ce que ces distractions soient bien plus importantes à l’heure actuelle.
Ce que les managers peuvent faire pour soutenir leurs télétravailleurs
Malgré les nombreux écueils du télétravail, il existe des mesures relativement rapides et peu coûteuses que les managers peuvent prendre pour faciliter la transition. Vous pouvez notamment :
– Etablir des séances quotidiennes d’échanges structurées : les bons managers « à distance » appellent tous les jours leurs télétravailleurs. Il peut s’agir d’une série d’appels individuels, si vos salariés sont relativement indépendants les uns des autres, ou d’un appel avec tous les membres de l’équipe si leur travail présente un fort degré de collaboration. L’important est que ces appels soient réguliers et prévisibles, et qu’ils constituent un forum dans le cadre duquel vos salariés savent qu’ils peuvent vous consulter et que leurs préoccupations et leurs questions seront entendues.
– Fournir différents moyens techniques de communication… le mail seul ne suffit pas. Il est dans l’intérêt de tous de disposer d’une technologie « plus complète » comme la vidéoconférence, qui donne aux participants une bonne partie des « signaux » visuels dont ils disposeraient s’ils se trouvaient dans la même pièce. La vidéoconférence présente de nombreux avantages, notamment pour les petits groupes : le fait de voir les autres permet d’accroître la « connaissance mutuelle » entre collaborateurs et contribue également à réduire le sentiment d’isolement au sein d’une équipe. La vidéo est également particulièrement utile pour des conversations complexes ou délicates car elle a une dimension plus personnelle que la communication écrite ou téléphonique.
Dans d’autres situations, la rapidité de collaboration est plus importante que la dimension visuelle. Vous pouvez alors utiliser des fonctionnalités de messagerie individuelle compatibles avec des mobiles (comme Slack, Zoom, Microsoft Teams, etc.) pour des conversations plus simples et moins formelles, ou qui ne peuvent attendre. Si votre entreprise n’a pas déjà mis en place ces outils technologiques, il existe des moyens peu coûteux d’en obtenir une version simple, comme solution à court terme. Avant d’utiliser l’un de ces outils, consultez le service informatique de votre entreprise pour vous assurer que vos données seront suffisamment sécurisées.
– … et établir ensuite des normes d’utilisation : le télétravail est plus efficace et plus satisfaisant quand les managers définissent clairement leurs attentes en ce qui concerne la fréquence des échanges, les moments où ils devraient idéalement avoir lieu et les moyens de communication à employer. Par exemple : « Nous nous servons de la vidéoconférence pour nos séances quotidiennes d’échanges mais nous privilégions la messagerie instantanée pour les urgences. » Si vous le pouvez, indiquez également à vos salariés le meilleur moyen et la meilleure heure à laquelle vous joindre dans la journée (par exemple : « Je suis généralement plus disponible en fin de journée pour des conversations ponctuelles par téléphone ou par vidéo, mais s’il y a une urgence plus tôt dans la journée, envoyez-moi un SMS »). Enfin, observez de loin la communication entre les membres de l’équipe (dans les limites de ce qui est acceptable) pour veiller à ce qu’ils fassent circuler les informations nécessaires. Nous recommandons que les managers établissent ces « règles d’engagement » avec leurs subordonnés dès que possible, idéalement lors de la première séance d’échanges en ligne. Si certaines décisions et règles peuvent être plus adaptées que d’autres, l’important est que tous les salariés aient les mêmes attentes en matière de communication.
Donner des occasions d’interactions sociales à distance
L’une des mesures les plus cruciales qu’un manager puisse prendre est de donner aux collaborateurs un cadre structuré d’interactions sociales (c’est-à-dire des conversations informelles sur des sujets autres que le travail) alors qu’ils se trouvent dans des lieux différents. Ce principe s’applique à tous les télétravailleurs mais vaut particulièrement pour ceux dont la transition du bureau au domicile s’est faite brutalement. Le moyen le plus facile d’établir des interactions sociales de base est de consacrer un certain temps, au début des réunions d’équipe, à des questions sans rapport avec le travail (par exemple : « Nous allons commencer par prendre des nouvelles les uns des autres pendant quelques minutes. Avez-vous passé un bon week-end ? »). Vous pouvez également organiser des « pizza parties » virtuelles (une pizza est livrée à tous les membres de l’équipe au moment d’une vidéoconférence) ou des fêtes de bureau virtuelles (des « colis surprises » peuvent être envoyés à l’avance pour être ouverts et appréciés au même moment). Si ce type d’activités peut sembler artificiel ou dénué de spontanéité, les managers expérimentés (et les télétravailleurs eux-mêmes) indiquent qu’elles contribuent à réduire l’impression d’isolement, en développant un sentiment d’appartenance.
Fournir des encouragements et un soutien moral
Lorsque le passage au télétravail a été soudain, il est important que les managers reconnaissent le stress de leurs subordonnés, qu’ils soient à l’écoute de leur anxiété et de leurs préoccupations et qu’ils fassent preuve d’empathie à l’égard de leurs difficultés. Si un collaborateur récemment passé au télétravail a manifestement du mal à s’y adapter mais ne fait pas part de son stress ou de son anxiété, demandez-lui comment il va. Même une question générale (par exemple : « Comment se passe le télétravail pour vous jusqu’ici ? ») peut vous permettre d’obtenir des informations importantes que vous n’auriez sinon pas entendues. Après avoir posé la question, assurez-vous d’écouter attentivement la réponse et reformulez-la brièvement à votre interlocuteur pour vérifier que vous l’avez bien compris. La conversation doit être axée sur son stress ou ses préoccupations (et non les vôtres). D’après les recherches effectuées sur l’intelligence émotionnelle et la contagion émotionnelle, les subordonnés tendent à réagir à des changements soudains ou à des situations de crise en fonction des signaux qu’ils perçoivent chez leur manager. Si celui-ci exprime un sentiment de stress et d’impuissance, cela aura, d’après le psychologue américain Daniel Goleman, un « effet de ruissellement » sur ses subordonnés. Les leaders dignes de ce nom adoptent une double approche : ils reconnaissent le stress et l’anxiété que leurs subordonnés peuvent ressentir dans des situations difficiles mais ils affirment également leur confiance en leur équipe, en disant par exemple : « On va y arriver », ou « C’est dur mais je sais que nous allons maîtriser la situation » ou « Cherchons des moyens de tirer parti de nos atouts pendant cette période ». En bénéficiant de ce soutien, les subordonnés sont plus à même d’affronter les difficultés avec détermination et motivation.
Article co-écrit par Barbara Z. Larson, Erin E. Makarius, Susan R. Vroman
Barbara Z. Larson
Professeure exécutif de management et directrice des partenariats à la Northeastern’s D’Amore-McKim School of Business, ses recherches portent sur les compétences personnelles et interpersonnelles dont les individus ont besoin pour travailler efficacement dans des environnements virtuels. Avant d’entamer sa carrière universitaire, Barbara Larson a travaillé pendant 15 ans dans le domaine de la finance internationale et de la direction des opérations.
Erin E. Makarius
Professeure associée de ressources humaines au département de management du College of Business Administration de l’Université d’Akron, elle a obtenu son doctorat à l’Université d’Etat de l’Ohio. Elle a plusieurs années d’expérience dans les ressources humaines et le management, notamment comme salariée et consultante auprès de diverses entreprises des secteurs de la finance, de l’assurance et des produits de consommation.
Susan R. Vroman
Chargée de conférences en management à Bentley University, ses recherches portent sur l’impact du leadership sur la culture organisationnelle et l’implication du personnel, avec une attention particulière à l’appui apporté aux modalités de travail flexibles. Avant d’entamer sa carrière universitaire, Susan Vroman a été, pendant plus de 20 ans, cadre et conseillère dans le domaine de l’efficacité organisationnelle et de la gestion stratégique des ressources humaines.
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