L’échec au cœur de la démarche Design Thinking

Octave Culture & Change, Leadership

L’échec au cœur de la démarche Design Thinking


L’échec au coeur de la démarche Design Thinking

Article de Dalila Madine pour le webmagazine Octave

A-t-on encore droit à l’erreur ? Dans l’imaginaire collectif, le mythe de l’innovation semble comme immortel et tiré d’une cosmogonie parfaite qui ne connaît ni l’échec, ni l’erreur. A l’instar du « Eurêka ! » que se serait écrié Archimède en découvrant les principes de la masse volumique des corps, les success stories d’innombrables entreprises restent comme figées dans une légende immuable. Pourtant, personne n’est dupe : derrière le succès se cache un amoncellement d’échecs et de déceptions. Des échecs et des déceptions profondément indispensables pour atteindre le succès, comme nous l’enseigne depuis des dizaines d’années le design thinking. Et pour cause, l’innovation, au cœur de la pensée design, ne peut se nourrir avant tout que d’une seule chose : l’humain. Et il n’y a rien de plus humain que l’erreur ! Car c’est bel et bien celle-ci qui nous encourage à remettre en question nos schémas de pensée préétablis, à voir plus loin que le bout de notre nez, à être empathique, à reproblématiser et à réitérer encore et encore. C’est l’échec qui se transforme en innovation et certains ca d’école le montrent.

Quel est ainsi le point commun entre le post-it, le viagra et le SMS ? Tous trois sont nés d’un échec ! Chose surprenante lorsque l’on sait le succès qu’on leur donne.

Le post-it n’est ainsi ni plus ni moins qu’un échec d’invention de la part d’un ingénieur de l’entreprise 3M qui, au lieu d’inventer une colle hyper-forte, s’est retrouvé avec une colle éphémère. Le viagra, développé par Pfizer, devait quant à lui lutter contre les maladies cardiovasculaires mais s’est vu affubler des effets secondaires que l’on peut imaginer et qui sont depuis devenus la promesse même du produit. Les SMS, enfin, ont été initialement créés pour que les opérateurs téléphoniques puissent communiquer avec leurs clients, avant que les salariés eux-mêmes ne détournent l’outil pour discuter entre eux.

Alors, échec ou détournement d’usage ? Deux termes certes différents mais qui tendent à signifier la même chose pour une entreprise. Face aux usages inattendus, l’entreprise préférera adopter une stratégie de conduite du changement. Elle niera la réalité, plutôt que d’admettre que son produit est mal désigné et souhaitera que les autres s’adaptent à son produit plutôt que l’inverse. C’est là toute l’essence des entreprises qu’on qualifie de « fixed mindset » : ces organisations où l’échec n’est qu’une gangrène qu’il faut taire et éliminer. A l’inverse, les entreprise « growth mindset » vont faire de l’échec un étendard de réussite pour tous leurs salariés. C’est tout l’art du design thinking : assumer l’échec, parler de l’échec. Les « fucked up nights », très en vogue aux Etats-Unis, réunissent à l’occasion de soirées détendues des entrepreneurs, des P-DG, des ingénieurs de génie pour partager leurs plus grands échecs. Une levée de fonds avortée, une faillite bien réussie, un conflit mal géré. L’échec est protéiforme, mais il nous fait grandir de la même façon.

La French Future Academy, école de formation au design thinking que j’ai lancé, exige ainsi à tous ses nouveaux participants qui postulent de se présenter en évoquant leurs échecs (une grosse partie de notre formulaire d’inscription est dédiée à présenter une échec marquant)

Johannes Haushofer, professeur à Princeton, a été l’un de ces brillants thinkers à publier son propre CV des échecs (consultable ici). « Mon CV des échecs a attiré beaucoup plus d’attention que l’intégralité de mon travail académique ! » déclara-t-il.

Pourquoi ne pas alors importer l’idée en France en lançant le « trophée des échecs » ? Pourquoi ne pas embaucher un « Chief Failure Officer » plutôt qu’un Chief Happiness Officer ? Lao Tseu, père fondateur du taoïsme, disait que « l’échec est le fondement de la réussite ». Alors pour semer ce que vous méritez, plantez-vous !

Le design thinking nous permet ainsi de nous échapper de la culture du perfectionnisme qui consiste à ne jamais montrer nos difficultés et nos doutes, à ne jamais montrer des projets inachevés ou des produits non-finis à nos clients par peur d’être discrédité. Pourtant, l’échec est au centre de toute démarche innovative, c’est à ce même titre que l’on teste et réitère des projets afin d’évaluer aussi pertinemment que se peut les défaillances et les écueils qui pourraient les mettre à mal. L’état d’esprit du design thinking nous montre qu’il ne faut jamais s’attacher aveuglément à son projet et à la solution que l’on souhaite délivrer, car la réponse ne viendra jamais du premier coup, ni même du deuxième ! Et cela importe peu finalement du moment que l’on reste concentré sur l’humain et le problème que l’on s’est fixé à résoudre.

Dalila Madine est la Fondatrice et CEO de French Future Academy, une école pour les professionnels, qui vous apprend à nourrir votre esprit et vos compétences en apprenant à résoudre des problèmes complexes, par la pratique du Design Thinking. Pour en savoir plus, retrouvez ici plus d’informations.

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