L’intergénérationnel : créateur de valeur pour les entreprises
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A chaque âge ses avantages, ainsi pourrait-on résumer l’approche de Marc Raynaud et des constats tirés par son observatoire du management de l’intergénérationnel (OMIG). Mais pour que le courant passe, encore faut-il se persuader que chaque génération a des choses à apporter à l’autre, et que c’est bon pour les affaires de l’entreprise.
Canadien et Français, expert de l’interculturel et de l’intergénérationnel depuis 20 ans dans 30 pays, Marc est le président-fondateur de l’Observatoire du Management InterGénérationnel www.omig.fr. S’appuyant sur l’étude ‘le Management InterGénérationnel’ réalisée auprès de 200 entreprises, Marc et son équipe de consultants d’InterGenerationnel forment les managers, les seniors et les jeunes à travailler en équipe multi-générationnelle de manière efficace et plaisante. Ils aident les dirigeants à adapter leur entreprise à la nouvelle donne générationnelle en tirant parti des évolutions du contexte et des technologies disponibles. Dans un monde en mutation rapide, avec un fort renouvellement des générations dans l’entreprise, Marc et son équipe de consultants d’InterGenerationnel aident les DRH et les managers à identifier les compétences à préserver et à transmettre, en installant le nécessaire dispositif de transmission des savoir-faire de l’entreprise.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à l’intergénérationnel ?
J’ai été frappé, il y a une dizaine d’années, par le choc des cultures entre des ingénieurs de chez IBM, qui avaient 28 ans d’ancienneté, et leurs jeunes interlocutrices de 28 ans de chez Novo, entreprise d’informatique chinoise. Les premiers voulaient enseigner aux secondes le fruit de leur expérience. Ca ne passait pas. J’ai été marqué par ce dialogue de sourds entre la voix de l’expérience et le pragmatisme d’une jeunesse, qui plus est féminine. Ces jeunes s’intéressaient moyennement à la pensée occidentale. A l’inverse, elles avaient beaucoup de choses à apprendre à ces ingénieurs de leur manière de faire. A cette époque-là, il n’y avait guère qu’un livre sur l’intergénérationnel. Aujourd’hui, on en compte plus de 350 !
En 2050, plus de 50 % de la population française aura plus de 50 ans. Il y a actuellement 400 000 départs à la retraite par an et ce chiffre augmente. En Europe, un tiers des 60 – 65 ans travaillent encore. En France, ils ne sont que 17 % mais plus de 60 % en Suède. La politique de pré-retraite a été une fausse bonne idée, certes généreuse – comme on sait en produire en France – en voulant ainsi laisser la place aux jeunes. Mais cela n’a guère eu d’impact sur l’emploi. Au contraire, les seniors ont acquis une mauvaise image et n’osent plus demander une formation dans leur entreprise. Or, plus de 60 % d’entre eux déclarent vouloir continuer à travailler au-delà de 60 ans. Que vont-ils faire de leur vie s’ils ne développent pas de nouvelles compétences ? C’est pourquoi je dis aux médians, de 40 – 50 ans, de réfléchir à ce qu’ils veulent faire plus tard et de s’en donner les moyens.
Y a-t-il une différence entre jeunes et seniors d’hier et d’aujourd’hui ?
« Les jeunes n’écoutent pas leurs parents, ne pensent qu’à faire la fête, sont inquiets de l’avenir »… Socrate reprenait déjà en son temps ces propos… qui dataient de plusieurs siècles déjà. Ce n’est donc pas un sujet fondé. Deux chefs d’entreprise sur trois disent néanmoins rencontré un problème, sans forcément savoir comment s’y prendre. Que veut la génération Y ? Un travail intéressant, être bien payé, écouté, prendre part aux décisions… La même chose que les seniors. Il y a certes des différences entre les générations, mais elles sont plus complexes, plus ténues : rapport à la hiérarchie, au temps, à l’espace. Il faut faire avec, intégrer le fait qu’il y aura des pannes de réveil dans son équipe, valoriser le fait d’être à l’aise sur les réseaux sociaux tout comme la connaissance du métier de l’entreprise, sa culture, son histoire. Le management doit repérer les leviers de motivation de chaque tranche d’âge et en faire des moteurs d’évolution, tant de l’entreprise que des salariés.
Quel est l’intérêt, pour l’entreprise, à employer des salariés de tous les âges ?
Je ne suis pas un inconditionnel de la mixité des âges. Mais quand elle est là, il faut s’en occuper. C’est de la responsabilité des entreprises. Et des frictions peuvent déjà surgir entre de petits écarts d’âge (25 – 40 ans par exemple). Le mieux est de partir des enjeux liés au business de l’entreprise. Conserver son savoir-faire est un véritable enjeu stratégique par exemple. Combien vaut ce que sait tel salarié ? Un an ? Deux ans de salaire ? Combien coûte le turn-over de jeunes à remplacer, à former ? Instaurer un dialogue sur l’intergénérationnel est fondamental, qui plus est quand l’entreprise rencontre des difficultés. Peut-être vaudra-t-il mieux envisager des baisses de salaire temporaires, le temps de passer la crise, plutôt que d’engager des licenciements.
Y a-t-il des méthodes innovantes en la matière ?
Oui. Elles reposent sur un principe : tout le monde doit être impliqué en même temps. J’en citerai une, inspirée du Canada, très au point sur tout ce qui relève, notamment, du domaine psychosocial. Elle part de l’expérience – la conceptualisation en découle. C’est la méthode du trèfle. Les trois générations, juniors, médians, seniors, sont mobilisés sur une question, un projet. On demande d’abord à chaque groupe d’exprimer sa vision du sujet, puis sa perception des autres groupes. Le même exercice est ensuite mené avec les trois groupes. On leur demande enfin d’appréhender la nouvelle situation, avec pour mission de prendre en compte leurs regards croisés pour optimiser la démarche.
Peut-on dire, enfin, qu’il y a des tailles d’entreprise, des secteurs d’activité, plus concernés que d’autres par l’intergénérationnel ?
Les entreprises qui sont positionnées sur des produits de longue durée de vie comme le nucléaire, l’hydroélectricité, l’armement… ont peut-être plus conscience de la nécessité de garder le savoir-faire. Ce sera peut-être moins le cas dans un petit commerce de détail. Les entreprises qui misent beaucoup sur la R et D auront intérêt à mixer les générations.
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