Et les seniors dans tout ça ?
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Le 18 janvier 2017, Serge Guérin, sociologue et spécialiste des enjeux du vieillissement et de la solidarité, fut invité lors de l’émission « Le Club de la Presse » sur Europe 1 pour parler de son nouveau livre « La guerre des âges n’aura pas lieu » chez Calmann-Levy. Lors de cet entretien, il nous fait part d’un constat : la France vieillit. Depuis 2015, nous comptons plus de soixantenaires en France que de moins de 20 ans. Mais cela ne veut pas forcément dire que la France vieillit ! On prend tous de l’âge. L’espérance de vie a augmenté, on vit tous en moyenne plus longtemps.
A partir de quel âge peut-on être considéré comme un senior ?
Tout dépend de l’endroit où l’on se trouve. En entreprise, les employés sont « traités » de seniors à 45 ans. Pour la sécurité sociale, les personnes de plus de soixante ans sont définies comme étant seniors. Mais la vraie vieillesse n’arrive pas avant l’âge de 80 ans.
Cette séniorité est toute nouvelle. Faut-il apprendre à construire une nouvelle société avec ces personnes qui n’existaient pas avant ? Pour Serge Guérin, il faut apprendre à vivre et être heureux avec eux. Souvent, on parle d’eux comme des « inactifs » ; ce mot est effroyable parce que beaucoup de ces retraités sont plus actifs que certains actifs … Regardons les associations en France : elles (sur)vivent grâce aux retraités, et ce sont ces personnes qui créent l’intergénérationnel. Regardons les mairies : plus de 30% d’entre elles sont gérées par des retraités. Les seniors ont donc un rôle incroyable à jouer dans la société, surtout pour soutenir la jeunesse.
Séniorité : un terme encore trop péjoratif
Dans les médias, on entend souvent parler des vieux lorsque ça ne va pas. On les associe aux épidémies de grippe, à la maladie, à la vieillesse, à la mort. Et pourtant aujourd’hui, 93% des plus de 60 ans sont « en forme » ! Alors pourquoi ne parle-t-on jamais d’eux dans d’autres cas ?
En ce moment, nous assistons à un jeunisme généralisé dans notre société. Il existe désormais de l’intergénérationnel, de la réciprocité. Avant c’était les seniors qui allaient apprendre aux plus jeunes. Aujourd’hui sur internet, personne n’est choquée de voir des personnes âgées demander des conseils aux plus jeunes. Toutes les générations semblent bien s’entendre entre elles. Certes, les frictions existent et ont toujours existé entre les générations, mais le sociologue nous appelle à voir cette évolution de manière positive. La société bouge, évolue. Mais notre regard reste fixe, comme si nous étions restés bloqués en 1950. Il existe pourtant des milliers d’initiatives pour rapprocher les jeunes des plus vieux. C’est pour cela qu’il faut changer de regard.
Et les séniors en entreprise ?
En entreprise, Serge Guérin a vu se créer de la solidarité. Même s’il entend souvent ces remarques « pourquoi les plus âgés ne partent pas en retraite pour laisser la place aux jeunes ? Quelle est la place pour les plus jeunes aujourd’hui dans les entreprises ? » Beaucoup vont donc se tourner vers les pré-retraites : « on va pousser les plus vieux à la retraite pour faire rentrer les plus jeunes, ils seront moins payés mais seront plus efficaces ». Sauf que quand on pousse les gens dehors, finalement, cela ne crée pas plus de travail car ces emplois sont souvent remplacés par des machines, etc.
On nous dit également que les employés doivent travailler plus longtemps car l’espérance de vie augmente. Il faut tout de même se rendre compte que les séniors d’aujourd’hui sont ceux qui ont connu la plus forte hausse de chômage : plus de 10% sur un an pour les plus de 55 ans.
Nous faisons donc face à un problème qui touche toutes les générations. Pour les jeunes, c’est difficile de rentrer dans les entreprises et pour les séniors, c’est difficile d’y rester. Jamais l’espérance de vie n’a été aussi longue et jamais l’espérance de vie professionnelle n’a été aussi réduite.
Un grand nombre d’employés disent qu’ils vivent la guerre des générations tous les jours au travail car les jeunes ne veulent plus travailler autant que les autres générations. Forcément les oppositions existent : les nouvelles technologies, le langage, … mais nous avons tous besoin les uns des autres.
« Je suis devenu.e transparent.e »
Beaucoup de retraités ressentent ce phénomène d’invisibilité. C’est une sorte de mort sociale. Pour ceux qui ont eu des postes importants, pour qui leurs vies se résumaient à une carte de visite, le jour où elle n’est plus, qui deviennent-ils ? Cette situation est difficile à vivre.
Pour d’autres, c’est le contraire. Certaines personnes ne se sentaient pas vraiment valorisées en entreprise et qui en sortant, se retrouvent à être débordées.
Quels conseils pour les futurs retraités ?
Lorsque nous regardons le nombre de centenaires, ils étaient 350 en 1950. Nous en recensons 21 000 aujourd’hui et nous en prévoyons jusqu’à 550 000 pour 2070 ! Mais pourquoi ce nombre augmente-t-il ? Pour le sociologue, ce sont des personnes qui ont le goût de vivre, ont une vie remplie, s’intéressent aux autres. Ce sont des gens qui écoutent la presse et regardent des documentaires, parce qu’ils veulent rester dans le coup ! Car ils veulent dialoguer avec les jeunes.
Donc, pour se préparer à l’inactivité, Serge Guérin conseille aux futurs retraités de ne pas rester inactifs. Il faut continuer à avoir des passions, des centres d’intérêts.
Selon lui, notre pays n’est pas capable de faire de la prévention comme élément majeur, c’est-à-dire comment continuer à se former. Car on peut continuer à se former à tous les âges pour continuer à évoluer personnellement et professionnellement.
Une autre solution serait de créer un service civique pour les séniors. Un moyen de faire évoluer les échanges intergénérationnels, d’accompagner les jeunes, et de se diriger vers un destin commun.
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