Le bonheur au travail a-t-il un âge ?
Le bonheur au travail a-t-il un âge ?
Il parait que le bonheur (en général) a un âge. Et le bonheur au travail, en particulier ? De récents travaux universitaires révèlent à quelle période de la vie on se sent le mieux au boulot.
Plus ou moins heureux selon les âges de la vie
Longtemps, on a parlé de « courbe en U » pour décrire l’état de bien-être général en fonction des âges de la vie. Cette courbe voulait que l’on soit insouciant et joyeux au début de son existence pour perdre ensuite en béatitude jusqu’à l’âge moyen (entre 45 et 50 ans) et enfin regagner de l’allégresse jusqu’à la fin de ses jours.
Mais une récente étude conduite dans 132 pays remet en cause cette grille de lecture. Où il apparait que la jeunesse n’est plus le temps de la félicité comme par le passé. Le contexte anxiogène, notamment en lien avec les défis environnementaux et les incertitudes économiques et les tumultes politiques en de nombreux points du globe, porte atteinte au bonheur des jeunes.
A l’opposé du spectre, les plus seniors manifestent eux aussi de moindres signes de volupté, se montrant certes moins inquiets des évolutions du monde que leurs petits-enfants mais plus soucieux de leur propre sort quand l’effritement de l’État providence conjugué à des déséquilibres démographiques met en tension les conditions de leur bien-vieillir.
Et au milieu, alors, ça va comment ? Eh bien, plutôt pas si mal. L’âge moyen est toujours celui des challenges professionnels et des problématiques familiales (d’autant plus avec le recul de l’âge de la parentalité), mais le sentiment de maîtrise et de confort est propice à une certaine sérénité et à l’expression d’un ensemble de satisfactions. Toutes ces grandeurs gagnent bien entendu à être croisées avec les conditions socio-économiques des différents individus et groupes sociaux.
Le bonheur au travail, c’est pour quand ?
Dans un monde où tout bouge et où l’incertitude croît, le travail est-il facteur de satisfactions ou plutôt de risques de voir dégradé son droit au bonheur ? Ça dépend !
La dernière enquête ISC Paris – BVA Xsights révèle que les 18-24 ans regardent le boulot comme une composante du bonheur quand celui-ci laisse de la place à la vie personnelle. L’articulation des temps de vie est en effet un facteur en progression constante depuis plusieurs années, avec une expansion particulièrement notable depuis la crise Covid.
Autrement dit, le bonheur au travail, c’est quand le travail ne prétend pas faire tout le bonheur ! Cela vaut d’ailleurs aussi pour la population d’âge intermédiaire qui ne place plus le travail en tête des priorités dans l’existence si l’on en croit les résultats de la dernière enquête KPMG X Uzbek & Rica consacrée à l’expérience employés.
Reste que le travail agit comme un espace structurant qui répond à notre besoin de cadre et d’interactions sociales, de développement des savoirs et de reconnaissance de nos talents et efforts. De ce fait, on attend encore davantage qu’il contribue à notre épanouissement global quand par ailleurs la vie est dure et l’avenir incertain. La question des conditions de travail est donc décisive.
Et si faire le bonheur des séniors était la clé du bonheur de tous ?
Cette question des conditions de travail, il nous semble a priori qu’elle est portée par la jeunesse mais en réalité, elle l’est surtout par les séniors. L’enquête de la Fondation Jean Jaurès parue en 2025 révèle que les plus de 50 ans sont à 40% demandeurs d’amélioration des conditions de travail soit près de 10 points de plus que les jeunes.
Mais ce n’est pas tout : les séniors réclament aussi à 57% qu’on leur confie un rôle de transmission. D’aucuns diront que cela entre en contradiction avec l’aspiration des nouvelles générations à un management moins descendant et la dépréciation de la figure du sage sachant qui éduque les Padawans ! La perspective n’est pas si réjouissante pour qui veut faire œuvre de transmission. A moins que…
A moins que les modalités de transmission ne soient conçues pour toutes les générations. C’est-à-dire qu’elles répondent à des besoins transverses exprimés à tous les âges de la vie : prendre du temps, laisser de la place à l’inspiration et au dialogue, penser l’innovation au-delà de l’adaptation technologique, donner du sens…
Car le bonheur des séniors au travail, c’est peut-être au fond un bonheur fait pour tous, associant la qualité de vie à la reconnaissance, la sociabilité à l’utilité, le respect des rythmes et le sentiment de performance durable.
Marie Donzel, pour le magazine Octave
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