« Bien vieillir au travail », un enjeu de plus en plus à l’agenda des entreprises

Octave A la Une, Webmagazine Octave

« Bien vieillir au travail », un enjeu de plus en plus à l’agenda des entreprises


 « Bien vieillir au travail », un enjeu de plus en plus à l’agenda des entreprises

L’insertion professionnelle des plus de 50 ans est désormais comprise comme un enjeu de premier plan. Il y va de la soutenabilité des régimes de retraite par répartition ainsi que du maintien d’un bon équilibre intergénérationnel dans les entreprises au bénéfice de la diversité des profils et points de vue et de la transmission des savoirs. On sait aussi que cela est important pour la santé globale des populations car les personnes en emploi ont statistiquement de meilleurs indices de santé physique et mentale que celles qui sont écartées du marché du travail. Oui, mais voilà, un nombre alarmant de seniors est en état d’ « usure professionnelle ».

Ce phénomène interpelle de plus en plus d’entreprises sur la question du « bien vieillir au travail ». Une question qui pourrait bien intéresser aussi les jeunes…

 

Actifs mais au chômage pour raisons de santé

En France, 10% des chômeurs de plus de 50 ans sont en arrêt de travail. C’est-à-dire que même s’ils trouvaient un emploi, ils ne pourraient pas l’exercer en raison de problèmes de santé. L’hypothèse est parfaitement conceptuelle puisqu’évidemment peu d’employeurs seraient disposés à recruter une personne dont l’état de santé est si dégradé qu’elle ne serait pas même en situation de prendre le poste.

Il faut ajouter à ce chiffre des chômeurs en arrêt celui de la renonciation à l’activité : plus de 20% des plus de 55 ans ne sont ni au chômage ni en emploi, dont la moitié pour des raisons de santé ou de handicap.

Complétons encore le tableau statistique avec la part des temps partiels 2,5 fois plus élevée chez les hommes de cette catégorie d’âge par rapport aux hommes plus jeunes (1,5 fois plus élevée chez les femmes par rapport aux femmes plus jeunes). Là encore, l’état de santé est la première raison invoquée pour réduire son temps de travail.

 

Vieillissement prématuré et conditions de travail

Les pouvoirs publics s’inquiètent de cette situation sur le marché du travail car elle indique l’existence de phénomènes de vieillissement prématuré : des individus qui devraient de par leur âge être en état de travailler, ne le sont plus du fait d’affections qui devraient survenir plus tard dans l’existence : maladies rhumatologiques, insuffisance cardiaque, troubles neurologiques, handicaps sensoriels…

De nombreux facteurs sont invoqués relatifs à l’évolution sociale des comportements (en termes d’alimentation, d’activité physique, de pratiques à risque…) et de plus en plus souvent aux marqueurs environnementaux (qualité de l’air, présence de perturbateurs…).

Les conditions de travail aussi sont montrées du doigt. De longue date, on fait un lien direct entre des facteurs de pénibilité au travail et la dégradation accélérée de la santé des personnes exposées à des substances toxiques, contraintes à des postures anti-ergonomiques, soumises au port de charges lourdes etc. Mais on sait aussi que le stress excessif, quand il est subi sur la durée, est de nature à porter atteinte à la santé physique et psychique des personnes.

Les employeurs sont tenus de mettre en place des mesures pour prévenir les risques physiques comme psychosociaux. Cette obligation est renforcée en Europe par le devoir de vigilance qui impose aux entreprises de s’intéresser aussi à la réduction des risques chez leurs fournisseurs et sous-traitants.

 

La « fatigue du changement »

Au-delà de la seule prévention des risques identifiées, les entreprises se confrontent à de nouvelles formes de mal-être, voire de souffrances au travail qui touchent particulièrement les seniors. Cela s’exprime sous la forme d’un sentiment d’être dépassé, d’avoir en tout cas à fournir des efforts très importants pour s’adapter aux attendus du travail… D’autant que ceux-ci évoluent incessamment. Songeons un instant à la situation d’un quinquagénaire qui aurait débuté sa carrière au temps où Internet était balbutiant, où chacun avait son bureau attitré et un ordinateur fixe, où une fois sorti du boulot on n’était que très rarement « dérangé » chez soi etc. Celui-là a vu arriver les mails, les open-spaces, l’ordinateur portable qu’on se trimballe sur le dos tous les jours, le smartphone qui le suit jusque sur la plage, le télétravail et maintenant l’IA, entre autres transformations majeures ayant des impacts sur sa façon de travailler, d’interagir, de séparer les temps de vie…

On aurait tort de minimiser le coût des efforts que représente l’exigence d’adaptation à tant d’évolutions. Aussi, quand on parle de « fatigue du changement », il ne faut pas seulement entendre de la lassitude et du découragement, voire de la résistance des salariés aux évolutions du travail, il faut aussi comprendre le mot fatigue au premier degré : le changement met en tension les facultés d’attention, de concentration, de mémorisation, il peut amener à l’exécution de nouveaux gestes, demander de nouvelles postures physiques… C’est de l’entraînement de très haut niveau.

 

Une question de génération plus que d’âge ?

Toutefois, la génération actuelle de seniors en entreprises se révèle plus adaptable et plus résiliente que celle de ses aînés (qui était habituée à la stabilité) et que celle de ses enfants (qui montre des signes de fragilité inédits dans l’histoire récente de l’insertion professionnelle).

Les entreprises s’emparent donc des question des effets des transformations du travail sur la santé des collaborateurs de tous âges en mettant en place de plus en plus d’actions de prévention contribuant au maintien en bonne santé des salariés (sport-santé, conseil en nutrition, campagnes de détection des maladies…) et proposent des activités visant à muscler leurs capacités d’adaptation (ateliers créatifs, gymnastique cérébrale…).

Plus globalement, elles avancent en intégrant dans leurs politiques d’inclusion la prise en considération des différences de condition physique et psychique aux différents âges de la vie. Autrement dit, plus une entreprise sait prendre soin de ses « vieux » plus elle prend soin aussi de ses « jeunes » (et vice versa) et plus elle œuvre à la qualité du dialogue intergénérationnelle, plus elle augmente la qualité de vie au travail et la performance sociale en général.

 

Marie Donzel, pour le webmagazine Octave.

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