Fait-on suffisamment confiance à la génération Z ?
Fait-on suffisamment confiance à la génération Z ?
L’arrivée de la génération Z dans le monde du travail suscite de nombreuses interrogations et bouleversements, tant du côté des jeunes employés que des managers. Seuls 56 % des jeunes estiment que les entreprises comprennent leurs attentes, tandis que 86 % des managers perçoivent cette génération comme très différente des précédentes. Alors que la génération Z représentera un tiers de la population active mondiale en 2030, il est essentiel de s’intéresser à cette fragmentation générationnelle. Avec six employeurs sur dix ayant licencié au moins un jeune diplômé récemment embauché l’année passée, l’urgence de rétablir la confiance entre les générations devient palpable.
Analysons ce phénomène et explorons les clés pour y répondre.
Une génération au cœur des bouleversements économiques et sociétaux.
La génération Z, correspondant aux personnes nées entre 1997 et le début des années 2010, a grandi dans un contexte socio-économique distinct et empreint de perturbations, qui fait naître un nouveau rapport au travail.
La génération Z a grandi en observant les effets de la crise économique de 2008. Elle a vu le chômage de masse augmenter et les burnouts se multiplier chez ses parents… Elle est elle-même confrontée à la précarisation de l’emploi et à la dévalorisation des diplômes. Cette réalité contraste avec celle des générations précédentes, qui ont connu le plein-emploi et les progrès sociaux d’un État providence en expansion.
Ces perturbations économiques sont accompagnées par l’avènement de la crise écologique, qui met en avant les limites des systèmes économiques de surproduction et de surconsommation. Cette réalité a des conséquences sur la santé mentale des jeunes puisque 7 sur 10 sont touchés par des troubles anxieux dont 15% qui souffrent d’anxiété sévère. Les preuves des fragilités du système, de l’accroissement des inégalités influencent donc la perception du travail qu’ont les jeunes.
Les membres de la génération Z ont grandi avec des technologies innovantes et vivent en hyper-connectivité. Cela influence leur rapport au temps et leur capacité d’engagement, favorisant l’instantanéité, l’immédiateté et l’urgence.
Un nouveau rapport au travail…
Face à ce contexte, les jeunes en France remettent en question les modèles traditionnels de travail, et redéfinissent ainsi les normes de celui-ci.
La liberté et l’épanouissement sont deux valeurs principales auxquelles les jeunes donnent de l’importance au travail. La flexibilité des horaires et du lieu de travail sont importantes. Le travail doit être avant tout stimulant et la réalisation de soi au sein d’un collectif est également perçue comme nécessaire.
Le rapport au travail de la génération Z repose également sur une vision polycentrique de la vie, avec une volonté de vivre autrement. Ce terme signifie que le travail n’est pas l’élément central dans la construction de vie personnelle. Être acteur·ice de l’équilibre vie privée/vie professionnelle est primordial, les contrats CDD sont revalorisés ainsi que les statuts d’indépendant·e ou d’entrepreneur·euse.
L’évolution des méthodes de communication, de collaboration est également présente à travers la priorisation des outils numériques.
Par ailleurs, les jeunes exigent que leur travail ait du sens et que leur équipe soit inspirante. Selon l’étude Yougov de 2021, 78 % des 18-24 ans interrogés affirmaient ne pas vouloir d’un emploi qui n’ait pas de sens pour eux.
Enfin, la question de la rémunération reste une préoccupation importante, voire majeure d’autant plus pour la génération Z que les précédentes. Déterminant le quotidien des individus, il permet de les rendre d’autant plus indépendants financièrement, dans une société inflationniste.
…contrebalancé à la lumière des inégalités systémiques.
Mais peut-on réellement considérer le génération Z comme un groupe homogène ? Plusieurs sociologues de la jeunesse se demandent si la capacité à questionner le travail ne requiert pas d’un privilège des jeunes de classe sociale moyenne/élevée ayant eu accès à des “qualifications culturelles élevées”. En effet, pour un grand nombre de jeunes sans qualification ou dont la qualification est insuffisamment reconnue, l’injonction de l’emploi conduit à accepter les contrats précaires, les risques professionnels inhérents à̀ l’intensification des cadences, pour avoir une chance de trouver un travail. En cela, la notion de divergence générationnelle peut être nuancée car au sein d’une même organisation, les déséquilibres en termes d’aspirations professionnelles ne sont pas déterminés uniquement par l’âge, mais aussi par le genre, l’origine sociale, culturelle…
Une question de génération ou plutôt de stéréotypes ?
Il est en effet pertinent de se demander si les préjugés dirigés envers la génération Z ne sont pas plutôt le fruit de stéréotypes âgistes. Les croyances attachées à la jeunesse liées au manque d’expérience présupposée, au manque de sérieux et d’investissement, entraînent une généralisation disqualifiante du groupe dans son ensemble. Cette catégorisation simpliste devient un terreau de discrimination dès qu’elle se traduit en prise de décision et en action.
Les managers doivent remettre en question leurs préjugés âgistes, car ceux-ci influencent les comportements des jeunes. En effet, lorsque les stéréotypes sont prégnants au sein d’une culture ils peuvent aussi générer des prophéties auto-réalisatrices : les jeunes adoptent les comportements que l’on attend d’eux et perpétuent inconsciemment les stéréotypes. Cela peut mener à de l’autocensure, à de l’inconfort identitaire, à un mal-être accru sur le marché du travail, voire à des démissions précoces. À l’inverse, les managers peuvent encourager l’engagement de la génération Z dans toute sa diversité. En valorisant les compétences de chacun·e et en créant un environnement propice à leur créativité et à leur vision alternative, ils et elles peuvent révéler des leviers de transformation positive bénéfiques pour tou·te·s!
Charlotte Foulon, pour le Programme Octave
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