L’essentiel à retenir du Rapport « Générations » – Ipsos 2024

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L’essentiel à retenir du Rapport « Générations » - Ipsos 2024


L’essentiel à retenir du Rapport « Générations » – Ipsos 2024

Après son rapport global sur les Perennials en 2022 et son rapport sur les Mythes autour des Millenials en 2023, le cabinet Ipsos poursuit sa série d’études internationales sur les enjeux générationnels. Paru au printemps 2024, le rapport « Générations » couvre 29 pays pour proposer une photographie complète des enjeux démographico-culturels de notre époque. Voici ce qu’il faut en retenir :

De fortes variations géoculturelles dans l’appréhension des générations

Si aux Etats-Unis, on se préoccupe énormément des générations (les boomers en tête, avec 85% de connaissance du lexique contemporain des classes d’âge), on s’en désintéresse en Inde. A mi-chemin, on observe qu’au Brésil, la thématique concerne principalement la génération Z mais laisse indifférente celle des baby-boomers. En Chine, ce sont les Millenials qui s’en préoccupent (modérément, toutefois) tandis que cela passe complètement au-dessus de la Génération X.

Pour les auteurs de l’étude, cela s’explique d’abord par les marqueurs historiques qui forgent le sentiment générationnel. Dans les pays impliqués dans la Seconde guerre mondiale, l’année 1945 fait en quelque sorte office de ligne de départ pour penser le sujet. Mais en Afrique du Sud, c’est la fin de l’apartheid qui fait pivot entre ceux qui ont grandi avant et ceux qui arrivent après, nommés les « Born free ». En Allemagne, la chute du Mur départage ceux qui sont entrés sur le marché du travail de part et d’autre de l’heure de la réunification.

La variable genre n’est pas à négliger

Gare à la tentation de penser l’uniformité des générations ! On ne peut pas mettre toute une classe d’âge dans le même sac, même si elle a été socialisée dans la même époque. Ainsi, on observe au sein même des générations des écarts de 13 à 20 points d’indice entre femmes et hommes sur des sujets particulièrement concernants.

Parmi ces sujets, il y a justement l’égalité de genre : dans toutes les générations et globalement dans le monde, les hommes sont nettement plus prompts à considérer que l’on va trop vite et trop loin. Mais cela est nettement plus marqué chez les plus jeunes où l’on observe le taux le plus élevé de résistance aux progrès de l’égalité chez les hommes.

La « Génération Z », première génération globale

Malgré les écarts genrés, une certaine « tendance générationnelle » peut s’observer… Mais uniquement à partir de la génération Z, née entre la fin des années 1990 et les années 2010. En effet, si la condition des « boomers » varie fortement d’une zone géoculturelle à l’autre, celle des plus jeunes semble davantage partagée dans la trentaine de points du globe étudiés. Par exemple, les moins de 30 ans sont partout au moins 50% à se sentir stressés. Les plus de 60 ans du Brésil, du Japon ou de la Corée du Sud ressentent aussi un très haut niveau de stress. En revanche, en Australie, en Allemagne, au Mexique ou au Royaume-Uni, les plus séniors sont nettement moins sujets au stress que leurs cadets.

L’âge moyen de la population change la face des enjeux de génération

Les défis générationnels n’ont ni la même ampleur ni les mêmes contours selon l’âge moyen de la population dans une zone géographique donnée.

Clairement, quand en Italie on compte 32% de plus de 60 ans (57% de plus de 45 ans) pour 12% de moins de 30 ans, cela ne pose pas les mêmes problèmes qu’au Nigéria où l’on a 4% de plus de 60 ans (14,5% de plus de 45 ans) et 42% de moins de 30 ans.

Les uns s’inquiètent de la soutenabilité des systèmes de retraite, de la robustesse des systèmes de santé, du « bien vieillir » et de la répartition des richesses. Les autres font face à des questions d’intégration économique des jeunes générations et partant de positionnement de leur pays dans le système planétaire. Les politiques publiques comme les politiques d’entreprise s’en trouvent fortement différenciées d’une région à l’autre.

En synthèse : pour une approche intersectionnelle des défis générationnels

La granularité de l’étude Ipsos nous invite d’une part à nous méfier d’une vision occidentalo-centrée de la question et d’autre part à opter pour une approche intersectionnelle des problématiques de génération. A l’échelle mondiale, celles-ci ne peuvent en effet pas se penser en dehors de variables sociodémographiques aussi décisives que le genre, la culture, la situation socio-professionnelle etc.

Cela vaut aussi à l’échelle des zones géographiques resserrées : en France comme au Royaume-Uni, au Brésil ou aux Etats-Unis, on passerait totalement à côté des enjeux si l’on adressait les classes d’âge sans s’intéresser aux variations entre zones urbaines et zones rurales, aux origines sociales ou au genre. Pour être pleinement prise au sérieux et produire des politiques vraiment efficaces, la grammaire de l’intergénérationnel a donc vraisemblablement besoin de dépasser le stade des classifications générales pour entrer dans le temps de la précision scientifique.

 

 

Marie Donzel, pour le webmagazine Octave

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