La mindfulness
Une pratique au service du bien-être en entreprise
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Article rédigé par Thomas Emmanuel Gérard pour le webmagazine Octave
Thomas Emmanuel GERARD accompagne le changement des organisations par un travail en profondeur sur l’humain en tant qu’individu et collectif (mindfulness, intelligence collective, coaching). Il est le fondateur de Mindful Intelligence et a co-créé le programme Mindful at Work, cycle de minfulness au travail qu’il a déployé auprès de nombreuses entreprises sur plus de 300 heures. www.mindfulintelligence.com
Depuis quelques années, la mindfulness ou méditation de pleine conscience est entrée dans les entreprises. Dans un contexte économique incertain, la pratique méditative contribue à mettre de l’harmonie au sein du collectif de travail et de la sérénité dans l’action.
Qu’est-ce que la mindfulness ?
La mindfulness, c’est l’art d’être présent à soi-même, dans l’ici et le maintenant, l’art d’observer ses sensations corporelles, ses perceptions sensorielles, ses pensées et ses émotions, en étant à la fois pleinement conscient de ce qui se présente, et en même temps en adoptant un regard distancié, sans jugement.
Il s’agit concrètement d’un entrainement basé sur des exercices de respiration et des temps de méditation, qui aident à se connecter à soi même dans le présent. Par exemple, j’inspire et je suis présent à mon inspir ; j’expire et je suis présent à mon expir ; je marche et j’ai conscience de mes appuis au sol, des muscles sollicités… je mange un fruit et j’ai conscience de sa texture, son goût, son odeur. Je ne suis pas en pilote automatique, je vis chaque seconde, en direct. Je peux observer les émotions qui émergent : par exemple, je sens la colère qui monte en moi, je suis triste, j’ai peur, je suis joyeux … et j’ai conscience l’émotion qui est là. La pratique de la mindfulness m’invite à adopter une posture d’accueil de ce qui se présente, avec bienveillance et non-jugement.
Quels bénéfices les salariés peuvent-ils y trouver ?
Dans le contexte économique incertain que traversent les entreprises, les salariés sont fortement impactés. Face aux situations de tension : discussion houleuse avec un collègue, critiques lors d’une réunion d’équipe, mail incendiaire, les exercices de respiration et méditation vont aider à accueillir les émotions présentes : les identifier, les nommer, en prendre soin, et ainsi, ne pas se laisser entraîner dans une réaction de l’instant. Ils contribuent à poser un autre regard sur la situation, en laissant à distance les interprétations et projections nourries par l’émotionnel. Cela ne signifie pas ‘ne rien faire’. Il est parfois légitime de poser des limites, de partager un ressenti. Mais l’entraînement à la mindfulness offrira un espace pour le lâcher-prise, pour apporter une réponse –et non pas une réaction– face à une situation de tension. Par exemple : être mesuré dans la réponse que l’on apporte, mettre ses ruminations sur pause, envisager les épisodes habituellement générateurs de stress sous un angle différent, ouvrir un espace de calme intérieur au cœur de la tempête … La mindfulness c’est une manière de revenir à soi pour mieux aller vers l’autre. C’est trouver un ancrage et un alignement qui vont permettre de s’engager avec confiance et sécurité dans l’interaction avec les autres, même dans un contexte difficile.
De quelle manière les entreprises s’intéressent-elle à la mindfulness ?
Aujourd’hui, la mindfulness a largement dépassé le cadre de la pratique méditative et du développement personnel. De fait, les entreprises qui l’ont intégré sont clairement pionnières. En France, il y a Sodexo, MAIF, Airbus, L’Oréal … mais la plupart communiquent peu sur le sujet.
La grande majorité des entreprises est encore réticente à proposer à leurs salariés une pratique méditative, alors même que les salariés semblent prêts à l’expérimenter, pour peu que ce soit sur une base volontaire. C’est, à mon sens, le reflet d’une modification en profondeur du lien au travail, que les salariés appellent de leurs vœux : créer les conditions du bien-être au sein de l’entreprise est plus porteur auprès des salariés que proposer une gestion des effets du stress. Ou comment passer du curatif au préventif.
Sur le volet bien-être, Sodexo et la MAIF sont pionnières. J’y ai animé 10 programmes long d’initiation à la mindfulness (7×3 h). La pratique méditative que je propose est orientée sur les enjeux du cadre professionnel : se ressourcer au cœur de l’action, allier performance et sérénité, trouver une réponse créative et apaisée face à une situation difficile, être à l’écoute de soi-même pour des décisions plus justes – et oser, contribuer à un climat harmonieux au sein de l’équipe, ancrer sa performance dans la confiance.
D’autres entreprises ont pris le parti d’intégrer des ateliers de mindfulness dans leurs programmes Talents. Ces espaces d’échanges et de formation auprès de managers appelés à prendre des responsabilités au sein du groupe, sont propices à l’expérimentation de ces ateliers d’un autre genre car l’expérimentation s’inscrit dans un espace ‘sécurisé’, où le savoir-être est encouragé.
La mindfulness peut-elle être détournée par les entreprises pour accroître la capacité des salariés à mieux supporter la pression ?
La mindfulness n’est pas à l’abri de velléités d’instrumentalisation, même si je ne l’ai pas moi-même observé dans les expérimentations que j’ai menées, qui étaient expressément orientées vers le bien-être des salariés. En tout état de cause, je ne suis pas convaincu que la motivation réelle du commanditaire, positive ou négative, soit ici le point d’entrée. Je crois que les bénéfices professionnels et personnels des participants au programme, mais aussi par extension, les bénéfices de ceux qui sont dans leur entourage professionnel immédiat, sont le point d’attention. Il est aujourd’hui admis que la performance d’une entreprise est intimement liée au niveau de bien-être des salariés. Avec l’introduction de la mindfulness en entreprise, c’est tout le collectif de travail qui en bénéfice. Et bien sûr, in fine, l’entreprise.
Méditation et neurosciences
La pratique méditative est aujourd’hui scientifiquement éprouvée. Depuis la fin des années 70, un corpus scientifique important a confirmé les effets bénéfiques de la méditation sur le corps (baisse de la tension artérielle, renforcement du système immunitaire, perception moindre des douleurs physiques…) et sur l’esprit (équilibre émotionnel, modulation de la peur, empathie, compassion…).
C’est seulement depuis une quinzaine d’années, grâce à l’émergence des neurosciences, que nous comprenons mieux ce qui se passe dans un cerveau qui médite. Par exemple, respirer lentement et porter son attention sur ses sensations corporelles contribue à activer le système nerveux parasympathique : le cerveau secrète alors des neurotransmetteurs (DHEA, sérotonine, endorphine) qui vont abaisser le rythme cardiaque et la tension artérielle. En renforçant le cortex préfrontal, la méditation permet également d’accroître ses capacités cognitives : évaluer une situation, focaliser son attention … Grâce à l’IRM, les scientifiques ont découvert que le cerveau des méditants confirmés produit des ondes gamma, qui résultent de la synchronisation de multiples régions du cerveau impliquées dans la régulation de l’attention et la régulation des émotions. La bonne nouvelle, c’est que même les débutants peuvent bénéficier de la méditation : en activant leur cortex préfrontal, ils gagnent en capacité de concentration et renforcent les réseaux de l’empathie. Face à une émotion forte, les personnes ayant une pratique de la méditation vont parvenir à identifier et nommer leurs pensées et émotions. Dans le cerveau, cela fait l’effet d’un coup de frein sur le système limbique, ce système neuronal qui, lorsqu’il est activé, véhicule les émotions et parasite les capacités cognitives : la mémoire, le langage, le raisonnement ou la concentration. La pratique de la mindfulness agit alors comme un modérateur, un régulateur des émotions.
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